Qui est notre prochain en cette période de distanciation sociale ?

Par Lisa Beardsley-Hardy

Quand j’ai entendu dire pour la première fois que nous devions pratiquer la distanciation sociale et nous laver les mains fréquemment et minutieusement pendant au moins vingt secondes, j’ai pensé que le responsable du ministère de la Santé de la Conférence générale, connu pour ses traits d’esprit, avait inventé une nouvelle expression. Mais désormais, nous savons que la distanciation sociale est une mesure de santé publique destinée à éviter la propagation du coronavirus (covid-19) en sécurisant un espace d’au moins deux mètres entre les gens.

La distanciation sociale et le confinement des habitants de très nombreux pays ont des conséquences majeures et sont un frein à tous les rassemblements quels qu’ils soient – les réunions de travail, les élèves dans les écoles, les rencontres amicales, les rassemblements religieux, les départs en voyage et toutes les activités que nous faisons en groupes. Ces mesures impactent donc également la sphère religieuse. Les services et les réunions spirituelles ont été annulés jusqu’à nouvel ordre, et il nous est interdit de nous rendre dans les lieux de culte.

Les parcs et les lieux de distraction – y compris Disneyland – ont été fermés temporairement. Les cérémonies de remise des diplômes, les mariages, les Jeux Olympiques et la prochaine session de la Conférence générale ont été décalés dans le temps. Cette dernière aura lieu du 20 au 25 mai 2021. Les mesures prises pour ralentir la pandémie ont des conséquences sur les libertés personnelles et sur les gouvernements. Les frontières de nombreux pays sont fermées, les avions sont cloués au sol, les navires sont à quai et les trains sont immobilisés tandis que certaines personnes sont bloquées à des milliers de kilomètres de chez elles. Des milliers de personnes atteintes du virus sont décédées dans le monde et leurs proches n’ont pu organiser des funérailles en leur mémoire.

Étant passée par l’aéroport d’un pays touché par la pandémie, j’ai moi-même été placée en quarantaine pendant quatorze jours. Quelques jours après le début de ma quarantaine, les bureaux de la Conférence générale ont fermé, tout comme les écoles et les entreprises d’un grand nombre de pays. Dans l’impossibilité de me rendre à mon bureau, de voir mes collègues ou d’accéder au système informatique, il m’a fallu un peu de temps pour m’habituer à travailler seule.

Comme beaucoup de gens, j’ai vécu la difficile expérience consistant à me rendre dans une épicerie proche de chez moi et à trouver les étagères vides. La première fois, je n’ai pu acheter que des rutabagas, des navets et un chou dont personne ne voulait. Le dernier sachet de roquette flétrie m’a échappé. Dans ce magasin, il n’y avait pas de pommes de terre, de carottes, de bananes ni aucun produit convoité comme du gel hydroalcoolique ou du papier toilette. Tandis que les bourses du monde entier s’effondraient, mon mari et moi avons décidé d’un commun accord de ne pas vérifier le montant de nos comptes retraite.

Nous avons plus de questions que de réponses, mais certains faits commencent à émerger du chaos. Les personnes qui ont le plus de risques de succomber à la maladie sont les personnes âgées ou les personnes ayant des facteurs de comorbidité. Il n’existe pas de vaccin ni de traitement pour cette maladie, aussi est-il essentiel d’avoir un bon système immunitaire. Nous pensions que les maladies infectieuses appartenaient au passé grâce aux avancées de la science et à la médecine thérapeutique. Cependant, la covid-19 nous rappelle l’époque où nous n’avions pas découvert la pénicilline et n’avions donc pas de vaccins. Les principes d’une vie saine qui permettent d’éviter les maladies non-transmissibles comme les maladies cardiaques, le diabète et le cancer, semblent être utiles pour lutter contre la covid-19.

Un régime alimentaire sain, de l’exercice, du repos, de l’eau et la confiance en Dieu sont des principes dont nous parlons depuis longtemps. Avec la covid-19, la nouveauté est le fait que les personnes qui nous entourent représentent un risque pour nous. Au lieu de nous rapprocher les uns des autres comme nous en avons instinctivement envie, nous devons prendre nos distances de peur d’attraper le virus. Le confinement solitaire est une punition sévère et une tactique bien cruelle pour éviter de tomber malade. En effet, les relations sociales sont inhérentes aux êtres humains. Passer du temps avec nos semblables contribue à notre santé émotionnelle et psychologique, et à notre bien-être.

Même les réseaux sociaux ne peuvent remplacer les bienfaits d’une relation en face à face. L’usage excessif des réseaux sociaux, notamment par les jeunes, peut rendre irritable, susciter un grand sentiment d’anxiété, conduire à la dépression, voire même parfois au suicide, comme Jorge Omar Trisca l’explique dans ce numéro de Dialogue1. De plus, une mauvaise santé émotionnelle et mentale accroît la vulnérabilité physique. C’est la raison pour laquelle le psychiatre Torben Bergland estime qu’il est important de voir un visage familier au moins une fois par jour pendant cette pandémie, afin de prévenir la dépression et de combattre les effets négatifs de l’isolement social2.

Quelqu’un a déclaré que les femmes âgées de 30 à 65 ans étaient plus à risque de porter le virus de la covid-19 que le reste de la population et devraient donc être mises en quarantaine dans un spa, et n’avoir aucun contact avec les hommes et les enfants pendant trente jours. Les fausses nouvelles abondent, mais celle-ci a attiré mon attention car elle est ironique. Les statistiques montrent qu’être un homme est un facteur de risque, mais les femmes sont plus nombreuses à être infectées car elles jonglent avec leur vie professionnelle et leurs enfants dont elles doivent s’occuper en raison de la fermeture des écoles. Elles sont donc très chargées et stressées. Elles font les courses, elles cuisinent, elles font le ménage, elles s’inquiètent pour leurs proches, elles s’occupent de leur famille, des malades et de leurs parents âgés et vulnérables. Et pour les femmes qui sont victimes de violences conjugales, le confinement est le pire des scénarios.

Sur un plan plus existentiel et prophétique, cette pandémie est un signal d’alarme pour beaucoup d’entre nous. La science, l’argent et la technologie n’ont pas réussi à stopper le virus de la covid-19. La médecine peut gérer les symptômes, mais pas guérir la maladie. Nous sommes privés de tout ce qui nous occupait pleinement auparavant : l’école, le travail, les relations sociales, la liberté de mouvement et de regroupement, les loisirs et les achats. Le taux de chômage est en forte hausse, notre santé est menacée et notre vie est en danger. Quand tout disparaît, nous sommes amenés inévitablement à réfléchir à ce qui compte vraiment.

Depuis que les écoles, les universités et les bibliothèques ont fermé, la pandémie nous oblige à trouver d’autres façons d’apprendre. Nous avons dû trouver différentes façons d’agir pour protéger les personnes âgées ou vulnérables de notre famille et de notre quartier. Les personnes asymptomatiques, et notamment les jeunes, peuvent sans le vouloir transmettre le virus à ceux qu’ils côtoient et les mettre en danger. Cela nous invite à nous poser cette question : « Qui est mon prochain ? » (Luc 10.29)

Dans la parabole du bon Samaritain, le premier passant qui a aperçu l’homme à moitié mort a gardé ses distances et a passé son chemin. Le deuxième est également resté au loin. Ces deux hommes voulaient respecter les traditions et agir de façon conforme à leur statut social et aux responsabilités qu’ils exerçaient dans la société. Sans penser un instant à sa propre sécurité, le troisième homme a agi par compassion. Après avoir fait tout son possible, il a confié l’homme blessé à un hôtelier afin que celui-ci continue à lui prodiguer des soins, et il lui a dit qu’il règlerait les frais impayés3.

On peut apporter de multiples réponses à la question : « Qui est mon prochain ? » Chaque problème et chaque difficulté sont des invitations à faire preuve de créativité dans notre ministère de croyant. Chaque besoin qui s’exprime est un appel à la compassion. Les jeunes qui sont nés avec Internet et qui, inspirés par Dieu, font preuve de créativité et d’imagination, trouvent de nouvelles façons d’aimer leur prochain en cette période de distanciation sociale. Ils peuvent toucher d’autres jeunes en adoptant de nouveaux moyens qui leur permettent de semer des paroles de vérité et d’espérance.

Tout le monde peut agir. Dieu nous confie tous ceux qui sont nos prochains – nos voisins de palier, ou ceux qui sont accessibles grâce à un clic de souris. C’est la raison pour laquelle il nous a accordé des talents, la capacité d’être créatifs et son Esprit. En effet, de nombreuses personnes font preuve de créativité aujourd’hui ! Certaines trouvent le moyen d’apporter de la nourriture aux plus âgés ou aux personnes dans le besoin malgré la quarantaine4, d’autres font des vidéos pour parler de leur foi ou pour garder le lien avec leurs grands-parents5, d’autres encore luttent contre le racisme, organisent des ateliers créatifs en ligne et des réunions de prière en ligne, font des offrandes grâce à une application et bien d’autres choses encore.

Malgré toutes les restrictions que nous vivons, la créativité se développe. Aucun effort n’est inutile quand nous répondons à l’appel de Dieu. Et quand le Christ reviendra – peut-être plus tôt que ce que nous imaginons – nous pouvons être sûrs qu’il fera preuve de créativité pour régler les frais impayés.

Cet éditorial a paru partiellement dans Adventist Review (April 20, 2020)–Eds. https://www.adventistreview.org/who-is-my-neighbor-in-a-time-of-socialdistancing

Lisa Beardsley-Hardy, Rédactrice-en-chef

Citation recommandée

BEARDSLEY-HARDY Lisa, « Qui est notre prochain en cette période de distanciation sociale ? », Dialogue 32 (2020/2), p. 3-4

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Jorge Omar Trisca, « Travailler avec les médias sociaux : sensibilisation et mises en garde, » Dialogue 32:2 (2020).
  2. Voir “Dear Doctor: Get Information on Coronavirus (COVID-19)” (22 mars 2020) : https://youtu.be/9WciUhYNxEA.
  3. Raul Lozano, “The Innkeeper, My Teacher.” Présenté au Sommet régional de l’éducation adventiste pour les divisions d’Asie-Pacifique nord, Asie-Pacifique sud, Pacifique sud, Asie du sud, Bangkok, Thaïlande, 29 janvier 2018.
  4. “AIIAS Chinese Community in Action”: https://youtube.com/ watch?v=P02gEn1mngo.
  5. Voir “Dear Grandma, Dear Grandpa”: https://youtube.com/ watch?v=G9P2Cbu6LeQ et #Dear Coronavirus: https://vimeo. com/399225392.

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