Les Adventistes et leurs 28 Croyances Fondamentales

Par John M. Fowler

«Vous voulez la guerre ? Alors, nourrissez une doctrine. » – William Graham Sumner.

Les étudiants en histoire de l’Église peuvent vérifier la véracité ou la fausseté de cette déclaration. Mais si nous pensons que la guerre est terminée, nous nous trompons lourdement. Les champs de bataille se sont peut-être déplacés ; il n’y a peut-être plus de grands synodes, de rois puissants, ou d’évêques dominants pour mener le combat sur telle ou telle doctrine, ou tel ou tel dogme. Toujours est-il que la guerre se déroule encore dans de nombreuses confessions – y compris l’adventisme, où les batailles se livrent dans les classes de l’École du sabbat, lors des camp-meetings, ainsi que dans les tabloïdes et les publications universitaires.

Il n’y a pas longtemps, lors d’une discussion dans une classe de l’École du sabbat, j’ai été témoin d’une pareille bataille opposant la doctrine au salut. Les questions soulevées avaient de quoi troubler : Avons nous besoin des doctrines pour être sauvés ? Jésus ne suffit-il pas à notre salut ? L’adhésion aux 28 croyances fondamentales est-elle une condition préalable au baptême ? La discussion musclée a, comme tant d’autres, généré davantage de passion que de lumière.

Cependant, la question de la doctrine et de sa place dans l’expérience rédemptrice chrétienne est importante et mérite d’être examinée attentivement. On peut aborder cette question en soulevant quatre questions : Qu’est-ce qu’une doctrine ? Jésus est-il une personne, ou une doctrine ? La doctrine est-elle essentielle au salut ? L’acceptation des 28 croyances fondamentales doit-elle être une condition préalable au baptême et à l’acceptation au sein de l’Église adventiste ?

QU’EST-CE QU’UNE DOCTRINE ?

Une doctrine, c’est une déclaration de croyance qu’un groupe de croyants fait et tient pour vraie. Aucun corps religieux ne peut exister ou commencer à fonctionner sans un système doctrinal de base accepté par les adhérents de ce corps. Demander si un corps religieux, tel qu’une Église, a besoin de doctrines revient à poser une question évidente. Oui, il en a besoin. Le type de doctrines qu’il défend définit sa nature, sa mission, et son objectif.

Prenez, par exemple, le concept de Dieu. On peut affirmer bien des choses à propos de Dieu. Quelqu’un peut dire que Dieu est l’esprit absolu duquel émanent toutes les idées. Nous avons là une déclaration doctrinale. Que cette doctrine soit juste ou non, ceux qui embrassent cet enseignement ont une certaine perception de Dieu qui définit leur vie, leur mission, et leur objectif.

Un autre peut dire que Dieu est le bien ultime duquel découle tout sens de l’éthique et de l’esthétique. Ceux qui font de cette définition leur doctrine de Dieu peuvent insister sur le fait que tant qu’ils font du bien dans la vie, ils participent, dans cette mesure, à la volonté et à la voie de Dieu.

Un autre peut dire que Dieu est une force impersonnelle absolue qui imprègne toute la nature, tant animée qu’inanimée. Les tenants d’une telle croyance peuvent considérer la vie comme un processus cyclique continu, sans commencement ni fin, cherchant toujours à faire partie de cette force absolue. Dans ce processus, il n’y a ni naissance, ni mort, ni joie, ni douleur, ni ici, ni là.

Un autre peut nier complètement l’existence de Dieu, ce qui constitue aussi une doctrine – la doctrine de l’athéisme. Des centaines de personnes édifient leur vie sur une telle doctrine et vivent sans aucun besoin de reconnaître un être suprême.

Enfin, un autre peut dire que Dieu est une personne – une personne à la sagesse, à la puissance, et à l’amour infinis – et qu’il a choisi de créer l’humanité à son image. De fait, ce Dieu est tellement amour que lorsque l’humanité a choisi de se rebeller contre lui, il est allé la chercher en la personne d’un Fils qui a consenti à un sacrifice infini : mourir sur une croix pour la sauver du péché.

La dernière déclaration au sujet de Dieu est très différente des précédentes ; ceux qui l’acceptent entreront en relation avec Dieu sur une base personnelle en acceptant son Fils comme leur sauveur. Le système de croyance, la pratique du culte, la structure relationnelle, les normes éthiques découlant de chacune de ces déclarations sur Dieu seront très différentes. On peut facilement voir, sans même considérer la rectitude ou la fausseté de chaque déclaration doctrinale, l’importance de la doctrine dans l’ancrage de la croyance, de la pratique, et de l’objectif de chacun.

JÉSUS ET LES DOCTRINES

Dès qu’ils prennent le nom de Jésus, certains chrétiens passent immédiatement en mode attaque. « C’est Jésus qu’il nous faut, et rien d’autre, disent-ils. Ne nous embrouillez pas avec des doctrines. » On ne peut pas contester la première partie de cette déclaration ! Assurément, c’est Jésus qu’il nous faut, et rien d’autre. C’est la Bible qui le dit : « Il n’y a de salut en aucun autre ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés*. » (Ac 4.12)

Mais lorsqu’il s’agit de la deuxième partie, « Ne nous embrouillez pas avec des doctrines », les problèmes s’accumulent. Par exemple, quel Jésus ? Le prophète que les musulmans acceptent ? Le grand Maître, un homme bon, l’une des nombreuses incarnations de la Force absolue que les hindous vénèrent ? La personne modèle que les humanistes projettent ? Ou bien le mythe qu’il faut rejeter pour que les profonds enseignements moraux des Évangiles puissent émerger en tant que noble idéal de l’humanité ?

La nécessité de définir Jésus saute immédiatement aux yeux. C’est là qu’il faut laisser la Bible intervenir. Jésus est Dieu. Étant Dieu, il s’est fait chair. Dans cette chair, il a porté nos péchés, est mort pour nos péchés, est ressuscité victorieux du péché, est monté s’asseoir à la droite du Père où il officie en tant que souverain sacrificateur, et reviendra bientôt pour nous emmener là où il est. Telle est la définition que la Bible donne de Jésus – ce que la plupart des chrétiens acceptent en tant que fondement de leur foi. Faire cette déclaration, confesser cette croyance, tel est l’objectif de la doctrine du Christ – une doctrine que les théologiens appellent la christologie. Sans cette clarification doctrinale, nous ne savons pas quel Jésus nous adorons.

Il ne s’agit pas ici d’une opposition entre Jésus et les doctrines, mais plutôt de la nécessité d’une déclaration de vérité sur la personne de Jésus, afin que ceux qui se confient en lui connaissent la Personne en qui ils placent leur confiance.

DOCTRINE ET SALUT

Peut-on être sauvé en croyant à une doctrine ? La réponse est évidente ! John Wesley aurait dit que « les démons croient, et restent toujours des démons ». Théoriquement, le fait de connaître Jésus, même le Jésus de la Bible, ne sauve personne. Savoir que deux parts d’hydrogène et une part d’oxygène donnent de l’eau ne peut sauver quelqu’un qui meurt de soif ! Pour échapper à la mort, il doit boire cette eau.

Ainsi en est-il de Jésus. L’exactitude des connaissances que l’on a à son sujet ne sauve personne. Le salut, c’est le résultat de l’acceptation de Jésus en tant que Seigneur et Sauveur – venir à Jésus, placer notre vie entre ses mains, marcher comme il a marché, vivre comme il a vécu, demeurer en lui sans bifurquer ou hésiter. Et tout ça, par sa grâce et sa puissance !

Si le salut consiste à accepter Jésus et vaincre le péché par sa grâce, avons-nous besoin de la doctrine de Jésus ? Absolument ! Car nous voulons nous assurer que nous allons vers le vrai Jésus. En d’autres termes, la doctrine de Christ nous dit qui est Jésus, ce qu’il a fait, et quel type de relation il veut établir avec nous. Après avoir connu ce type de Jésus, je dois faire mon choix et lui remettre ma vie. Il me donne le salut et me conduit à bon port.

Après l’avoir accepté pour Sauveur, je suis baptisé dans son corps – c’est-à-dire au sein de la communauté des autres croyants qui l’ont accepté avant moi.

LE BAPTÊME ET LES 28 CROYANCES FONDAMENTALES

Récemment, certains adventistes ont exprimé leur malaise à faire de l’acceptation des 28 croyances fondamentales une condition préalable au baptême. Ce malaise provient en

grande partie leur dissection des 28 croyances fondamentales en deux parties : le noyau chrétien et les principes adventistes incontournables. Ils vont jusqu’à dire que le baptême dans le corps du Christ ne requiert que l’acceptation du noyau chrétien. Après le baptême, les principes adventistes incontournables doivent être enseignés aux baptisés afin qu’ils deviennent des membres à part entière de l’Église adventiste.

Je trouve cette dichotomie entre le baptême en Christ et l’entrée dans l’Église adventiste insoutenable. Elle suppose que les deux sont différents. Si nous retournons en 1844 et acceptons la position de nos pionniers selon laquelle Dieu a suscité, à sa manière et en son temps, un corps de personnes conscientes de leur engagement envers le Jésus de la croix et le Jésus de l’eschatologie, nous nous rendrons compte que les pionniers ne faisaient aucune différence entre être le corps du Christ et être adventiste du septième jour. Bien avant que ce dernier nom ne soit inventé, les pionniers se sont reconnus en tant que véritable corps du Christ, prenant sur eux le terme prophétique de reste, soit « ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus » (Ap 12.17).

Le nom « adventiste du septième jour » ne crée pas un corps distinct et exclusif du corps du Christ ! Il appelle, au contraire, à la fidélité à l’ensemble des enseignements et au mode de vie impliqués dans le corps du Christ. Relisez les 28 croyances fondamentales. Lesquelles devons-nous laisser de côté comme étant d’importance post-baptismale, et qui doivent être enseignées pour l’entrée dans l’Église adventiste ? Lesquelles devons-nous considérer en tant que principes adventistes essentiels ? La question n’est pas si simple. Les présumées particularités adventistes dans les 28 croyances fondamentales ne sont des particularités que dans la mesure où les autres Églises ont, au fil des siècles, négligé, ignoré ou altéré ces vérités cardinales qui étaient l’héritage de l’Église du Nouveau Testament. Il incombait aux pionniers adventistes de découvrir et de réaffirmer leur engage- ment en faveur d’un enseignement complet de la Bible.

Prenez, par exemple, les doctrines du sabbat, du baptême par immersion, et du comportement chrétien. Ne sont-elles pas aussi des principes chrétiens essentiels ? Ne font-elles pas partie de la vie de l’Église du Nouveau Testament ? Si nous disons que l’observation du sabbat n’est pas essentielle au baptême, nous envoyons un message terrible qui, au bout du compte, compromet le corpus doctrinal tout entier des Écritures.

Certains chrétiens, y compris des adventistes, soutiennent que le Nouveau Testament ne mentionne qu’une exigence pour le baptême : il faut, tout simplement, « croire au Seigneur Jésus-Christ » (Ac 16.31). C’est tout à fait vrai. Et il devrait en être ainsi aujourd’hui. Mais rappelons-nous qu’au premier siècle, croire en Jésus et le revendiquer comme Seigneur et Sauveur était un choix impressionnant – un choix qui faisait la différence entre la vie et la mort. Choisir Jésus plaçait, d’une part, le chrétien contre l’institution religieuse de l’époque et, opposait, d’autre part, le chrétien à un gouvernement romain qui n’avait pour Seigneur que César. Facile de choisir ? Non ! En fait, un chrétien du premier siècle faisait ce choix en sachant qu’il pourrait bien le faire aboutir à la persécution ou à la mort.

En outre, les chrétiens de l’Église primitive n’avaient pas à débattre d’autres particularités de la vie chrétienne. Ils n’avaient aucun problème relatif au sabbat, au baptême, ou à l’état des morts. Le Nouveau Testament témoigne de l’observation du sabbat (Lc 4.16 ; 23.56 ; Ac 13.14 ; 17.1,2 ; 18.4), du rite du baptême (Mt 3.16 ; Ac 8.38,39), et de prendre soin du corps en tant que temple de Dieu (1 Co 6.19,20). Ce n’est que plus tard dans l’histoire, avec l’offensive de la philosophie grecque et l’intrusion de cultures étrangères, que les dirigeants de l’Église ont succombé à des doctrines étrangères, telles que le salut par les œuvres, le culte du dimanche, le baptême des enfants, et l’immortalité de l’âme.

La restauration de ces principes bibliques par le biais de l’Église adventiste au milieu des années 1800 n’a pas fait d’eux des « particularités adventistes », utiles uniquement pour entrer dans l’Église adventiste, pas plus que la découverte par Luther de la justification par la foi n’était un principe luthérien utile uniquement pour entrer dans l’Église luthérienne. Dans les deux cas, il s’agit de découvrir la vérité et de la rétablir. Les doctrines qui peuvent sembler particulières aux adventistes doivent être examinées à partir de ce mode de découverte et de rétablissement afin que ce que nous enseignons en tant qu’adventistes soit la vérité biblique dans toute sa plénitude.

Vu ainsi, on ne peut parler de deux modes de vérité : l’un pour entrer dans le corps chrétien par le baptême, et l’autre pour grandir au sein de l’Église adventiste. L’Église adventiste est le corps du Christ. Si elle s’applique à elle même la description de l’Église de la fin des temps – « ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus » (Ap 14.12), elle le fait non pas pour assumer l’arrogance de l’exclusivisme, mais pour affirmer un engagement total envers la personne, le message et la mission de Jésus, lequel est venu et reviendra bientôt.

Les 28 croyances fondamentales ne sont pas des déclarations de doctrines variées, mais des expressions de la vérité telle qu’elle est en Jésus, et Jésus influence la vie et le mode de vie de ses disciples. Toute expression doctrinale doit être centrée sur le Christ ; sinon, elle n’a ni bien-fondé, ni utilité pour le chrétien.

* Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910

John M. Fowler titulaire d’une maîtrise en éducation de l’Université Andrews, au Michigan (États-Unis), ainsi que d’une maîtrise spécialisée en journalisme de l’Université de Syracuse, dans l’État de New York (États-Unis), est le rédacteur en chef de Dialogue.

Citation recommandée

John M. Fowler, « Les adventistes et leurs 28 croyances fondamentales », Dialogue 34 (2022/2), p. 9-11

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