Des gens ordinaires appelés à une œuvre extraordinaire

Par Richard Osborn

Avant de choisir ses disciples, Jésus « passa toute la nuit à prier » (Lc 6.12)1. Quand le jour paraît, il en désigne 12 – 12 hommes ordinaires, dont certains, il le sait, l’abandonneront ou le trahiront. Voilà qui me donne espoir ! Le simple fait que Jésus ait pu choisir de tels individus en tant que disciples m’empêche de tomber dans le désespoir quand je trébuche.

Considérons brièvement les Douze.

ANDRÉ ET SIMON

Il y a d’abord André. Aujourd’hui, nous dirions qu’André est un réseauteur, quelqu’un qui a beaucoup d’amis. C’est un disciple de Jean-Baptiste. Lorsque ce dernier lui désigne Jésus, il va immédiatement trouver son frère et à son tour, lui désigne Jésus (Jn 1.40,41). Connaissez-vous des gens tout à fait à l’aise de parler à n’importe qui de n’importe quoi ? Il voit l’importance de devenir l’ami de chacun, quel que soit son âge. C’est en engageant la conversation avec un petit garçon qu’il découvre, sans savoir ce qui va se passer ensuite, que l’enfant a avec lui cinq pains et deux poissons.

Si André n’est jamais mentionné tout seul, ce n’est pas parce qu’on a affaire à un individualiste, non ; André est un homme discret, capable de travailler en équipe, un ami qui s’intéresse aux autres – quelle que soit leur situation dans la vie. André est là, autour de nous, mais nous ne le remarquons pas parce qu’il accomplit ses tâches sans chercher à être reconnu, remarqué ni à dominer.

Simon, en revanche est impulsif, dynamique, ardent, sûr de lui, indépendant, impétueux et extraverti. Il parle sans réfléchir et est prêt à corriger les autres avant même de savoir ce qu’il va dire. Vous arrive-t-il d’avoir des sautes d’humeur ? Si, oui, vous ressemblez à Simon ! Par contre, il n’hésite pas lorsque son frère André lui demande de suivre Jésus. Simon est un aventurier et un explorateur pour Dieu.

LES AUDACIEUX FILS DE ZÉBÉDÉE

 

Jacques et Jean, fils de Zébédée, sont connus sous le surnom « fils du tonnerre ». Bien qu’étant pêcheurs, ils sont issus d’un statut social plus élevé ; leur père leur engage des serviteurs. Si ces deux hommes sont appelés « fils du tonnerre », c’est sûrement en raison de leur caractère bien trempé. Rappelez- vous leur désir de faire descendre le feu du ciel sur le village inhospitalier des Samaritains… Imaginez-les pendant qu’ils pêchent : ils se vantent de leurs exploits et se moquent de ceux qui n’ont pas attrapé autant de poissons qu’eux…

Comme Jacques et Jean, certains ont des mères qui pensent que leurs enfants sont spéciaux – ce qui peut être embarrassant lorsqu’elles vantent les réalisations de leurs enfants et essaient de promouvoir leur statut ! C’est exacte- ment ce que fait Salomé, mère de Jacques et de Jean. Elle va voir Jésus avec cette supplication : « Ordonne, lui dit-elle, que mes deux fils, que voici, soient assis, dans ton royaume, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche. » (Mt 20.21)

UN HOMME DE BETHSAÏDA ET UN HOMME PLEIN DE PRÉJUGÉS

Philippe a grandi à Bethsaïda – une ville située au nord de la Galilée où passent de nombreux commerçants. Avec son nom grec, il est sans doute très au courant des nouvelles du monde apportées par les commerçants. Lorsqu’une multitude de personnes doivent être nourries, il soulève une perspective commerciale très pratique mais sceptique en demandant comment on peut nourrir autant de personnes. Bien que ces traits soient davantage associés à un autre disciple, Philippe se montre aussi prudent : il exige qu’on lui donne des explications claires et logiques. Chaque église a besoin, certes, d’un Philippe ou deux !

Barthélemy et Nathanaël sont un seul et même individu. On le considère sans doute comme un homme plein de préjugés. En effet, à Philippe qui l’appelle à suivre Jésus, il répond : « Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ? » (Jn 1.46) Il applique la mauvaise réputation de cette ville à tous les habitants de cette région. Lorsqu’il m’arrive d’entre- tenir des préjugés, des sentiments de supériorité, d’élitisme ou de sexisme, je me transforme en Barthélemy. Pourtant, ce disciple va voir Jésus avec un esprit ouvert, de sorte que le Seigneur dit immédiatement de lui : « Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n’y a point de fraude. » (Jn 1.47).

UN TERRORISTE ET UN COLLECTEUR D’IMPÔTS

Croyez-le ou non, Jésus a choisi pour disciple… un terroriste ! Simon, le Cananite, appartient aux Zélotes – un parti nationaliste violent dont les membres sont prêts à se battre et à mourir pour se débarrasser des Romains. Du temps de Jésus, les Zélotes ont recours à l’assassinat et au meurtre secret pour arriver à leurs fins. Ils refusent de payer des impôts, car les payer revient pour eux à se soumettre à Rome et à répudier Dieu. Les Zélotes se considèrent comme les plus « patriotiques » de tous les Juifs. En 73 après J.-C., ce sont ces Juifs qui se sont suicidés en masse à Massada – un événement encore célébré aujourd’hui par les Juifs. Et pourtant, Jésus n’a pas hésité à prendre Simon le Zélote pour disciple !

Simon étant maintenant au nombre des disciples de Jésus, il serait totalement illogique d’appeler Matthieu à se joindre à eux. Cet homme n’a-t-il pas accepté de collecter les impôts pour le compte des Romains détestés ? Ne collecte-il pas les impôts de tous ceux qui apportent des marchandises dans la ville, trahissant ainsi sa nation ? Il est donc considéré comme un apostat et l’être le plus vil de la société. Les scribes et les pharisiens méprisent tellement les collecteurs d’impôts qu’ils marchent de l’autre côté de la route pour éviter de regarder dans la même direction qu’eux. Même si les collecteurs d’impôts sont riches, leur argent n’est pas accepté à la synagogue. Leur malhonnêteté est si grande qu’on les juge indignes de témoigner devant un tribunal. Pourtant, lorsque Jésus aperçoit Matthieu assis à la porte pour collecter les impôts, il lui dit : « Suis-moi. » Et Matthieu quitte son emploi lucratif sur-le-champ pour suivre Jésus ! Si Simon, le Zélote, avait rencontré Matthieu avant de suivre Jésus, il l’aurait sans doute poignardé. Mais voilà, Jésus a appelé un Zélote et un collecteur d’impôts détesté – un duo aussi improbable qu’on puisse l’imaginer – à être du nombre des Douze.

DEUX HOMMES PEU CONNUS

Ayant grandi à l’étranger, je me suis senti presque invisible lorsque adolescent, je suis passé à une troisième culture – un peu comme les deux disciples dont nous ne savons pratique- ment rien. Il semblerait que Jacques, fils d’Alphée, contrairement au Jacques que nous avons mentionné plus haut, soit un homme de très petite taille qui mène sa vie sans fanfare ni publicité. Quant à Thaddée, également connu sous le nom de Judas – il s’agit ici du fils de Jacques et non de Judas l’Iscariote – tout ce que nous savons de lui, c’est la question qu’il a posée à Jésus : « Judas, non pas l’Iscariote, lui dit : Seigneur, comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ? » (Jn 14.22, NBS).

UN DISCIPLE SCEPTIQUE

Le disciple qui aurait été le plus à l’aise sur un campus universitaire, c’est Thomas ! Nous l’appelons, de façon désobligeante, « Thomas le sceptique » – mais reste que c’est quand même lui qui est prêt à poser les questions difficiles ! Un professeur de sciences de l’Institut d’enseignement supérieure de l’Union du Pacifique a suggéré que Thomas soit le « saint patron » de tous les scientifiques. Thomas, en effet, est constamment en train de faire des investigations. Tel un universitaire, il n’accepte pas d’emblée la parole des autres ; il n’est à l’aise avec les réponses faciles que lorsqu’il a exploré toutes les options. C’est ce Thomas-là qui dit : « Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. » (Jn 20.25)

« Si je ne vois dans ses mains […] je ne croirai point ». Et pourtant, c’est ce même Thomas qui, alors que tous les disciples ne voulaient pas que Jésus aille à Jérusalem après la résurrection de Lazare parce qu’ils craignent d’être tués, dit avec courage : « Allons aussi, afin de mourir avec lui. » (Jn 11.16) Parce que dans son exploration de la vérité, Thomas fait preuve d’une sincérité authentique, Jésus ne le condamne pas pour ses questions, lesquelles sont un tremplin vers la foi.

LE TRAÎTRE

Judas l’Iscariote [NBS] est le seul disciple qui n’est pas galiléen. Sentant que Jésus va rétablir le trône de David, il se précipite pour devenir son disciple. Il s’imagine au sein d’une compagnie où Jésus est président du conseil d’administration, et lui-même, PDG de ladite compagnie. Judas est sans doute le disciple à l’intelligence la plus aiguisée. Sa décision de suivre Jésus l’excluant de tous ses amis, il perd, du coup, son influence. Cependant, il devient l’administrateur respecté des Douze. L’argent, ça le connaît !

Hélas, au bout d’un certain temps, il est de plus en plus convaincu que Jésus se dirige droit vers l’échec. Nous le savons parce que nous connaissons la fin de l’histoire. Dès le départ, Jésus a su comment les choses allaient tourner, que Judas allait le trahir. Pourquoi donc a-t-il choisi ce traître, pourquoi l’a-t-il encore appelé « ami » (Mt 26.50) ?

Voilà donc les douze hommes que, contrairement à toute probabilité, Jésus a réunis pour former une équipe. Et comme ils avaient le privilège de côtoyer le plus grand Maître de tous les temps, la tâche ne s’annonçait pas trop ardue. Dr Harry Leonard de l’Institut d’enseignement supérieur de Newbold, en Angleterre, dit après analyse que Jésus est un enseignant. Il le décrit comme le genre de personne qu’un directeur du département de l’éducation voudrait engager pour enseigner des cours de méthodologie, car il est formidable dans les tutorats individuels, les séminaires de groupe, les conférences et les sessions pratiques. Comme le souligne H. Leonard, Jésus enseigne aux disciples pendant trois ans – soit le temps nécessaire pour obtenir une licence. Mais, au terme de cet enseignement, ils n’ont toujours pas compris ce qu’il veut dire…

En Jésus, on a le Maître le plus parfait qui soit ! Et cependant, deux disciples le trahissent, d’autres dorment et d’autres encore, saisis de terreur, s’enfuient.

Ne pourrions-nous pas dire ici que tous ont récolté un « 0/20 » – autrement dit, ont reçu la note « échec » dans les cours que Jésus leur a enseignés pendant trois ans ? Y a-t-il quelque chose de pire que d’être témoin d’un meurtre potentiel et de fuir la scène ? Jésus savait que ce serait le cas ; mais il les a choisis malgré tout. De même, il nous choisit, vous et moi, sachant fort bien que nous aurons, nous aussi, quelques « 0 ». Onze des douze disciples ont repassé leur examen, et heureusement, l’ont réussi avec mention. Et nous le pouvons, nous aussi !

DES DISCIPLES TRANSFORMÉS

Après sa résurrection, Jésus a continué de développer ce qu’il avait enseigné à ses disciples. Tous, à l’exception d’un seul, ont vécu une transformation dont l’effet a perduré jusqu’à aujourd’hui, ce qui constitue peut-être la meilleure preuve de la résurrection de Jésus.

Au début, Jésus a donné à Simon le nom de Pierre, ce qui signifie « caillou ou pierre roulante ». Après avoir renié son statut de disciple, Pierre est revenu à Jésus et a reçu grâce et pardon. Entièrement réhabilité par le Seigneur, il a proclamé au monde entier le message du Sauveur ressuscité. Son premier sermon a donné lieu à un baptême de 3 000 personnes le jour de la Pentecôte ! Selon la tradition, Pierre a subi le supplice de la croix à Rome. Jésus a transformé Simon en Pierre, le pécheur, en saint. Et il peut faire ainsi pour nous tous2 !

Jacques, le « fils du tonnerre », a été décapité par Hérode Agrippa Ier. Son martyre a prouvé son engagement à long terme au service de son Seigneur et sauveur Jésus-Christ. Il a passé l’examen final avec distinction.

Jean, l’autre « fils du tonnerre », est devenu « le disciple que Jésus aimait ». Ellen White commente : « La vie de l’apôtre Jean est un exemple de véritable sanctification. Durant ses années d’étroite relation avec le Christ, il recevait souvent de lui des avertissements et des mises en garde, qu’il savait tou- jours accepter. […] Il abandonna son tempérament irritable et ambitieux au pouvoir transformateur du Christ, et l’amour divin opéra en lui une véritable métamorphose3. »

Barthélemy [Nathanaël] a abandonné ses préjugés et est devenu un disciple de Jésus.

Matthieu, le collecteur d’impôts, et Simon, le Zélote, ont fini par s’aimer grâce à leur amour pour Jésus.

Lorsque Thomas a enfin vu Jésus après la résurrection, il a proclamé : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20.28) et est devenu l’évangéliste des frontières. On pense qu’il a répandu l’Évangile jusque dans le sud de l’Inde.

Après l’ascension de Jésus-Christ, ces mêmes disciples qui, saisis de crainte, avaient abandonné Jésus, ont prêché l’Évangile avec puissance et ont parfois été jetés au cachot. Dans Actes 4.13, nous lisons : « Lorsqu’ils virent l’assurance de Pierre et de Jean, ils furent étonnés, sachant que c’étaient des hommes du peuple sans instruction ; et ils les reconnurent pour avoir été avec Jésus. »

Dites-moi, lequel des douze disciples êtes-vous ? Jésus a choisi chacun de ses disciples en étant parfaitement au courant de leurs faiblesses et de leur potentiel d’échec. Alors, quand vous essuierez un échec, rappelez-vous que Jésus a appelé ses disciples – douze hommes ordinaires qui lui ont fait parfois faux bond. Aujourd’hui encore, il appelle des gens ordinaires comme vous et moi à être ses disciples. Il appelle chacun de nous à la tâche extraordinaire de servir les autres et de poursuivre sa mission jusqu’au grand jour de son retour.

Richard Osborn titulaire d’un doctorat de l’université du Maryland, aux États-Unis, occupait le poste de président de l’Institut d’enseignement supérieur de l’Union du Pacifique lorsqu’il a rédigé cet article. Depuis, il a pris sa retraite alors qu’il occupait le poste de vice-président de l’Association occidentale des écoles et des instituts d’enseignement supérieur. Pour le contacter : dickosborn47@gmail.com.

Citation recommandée

Richard Osborn , « Des gens ordinaires appelés à une œuvre extraordinaire », Dialogue 34 (2022/1), p. 13-15

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.
  2. Peter Marshall, Mr. Jones, Meet the Master : Sermons and Prayers of Peter Marshall, p. 88.
  3. Ellen G. White, Conquérants pacifiques, p. 497.

Source: Revue Dialogue Universitaire

© Comité pour les étudiants et diplômés universitaires adventistes (CEDUA), 2014 – 2022  

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