Jusqu’à quel point les découvertes archéologiques confirment-elles la Bible ?

L’archéologie n’a pas pour objectif de prouver la Bible. Conférer à cette discipline une telle position d’autorité, c’est soumettre l’autorité inséparable de la Bible à une autre autorité.

La Bible est-elle vraie ?

Pourquoi cette question continue-t-elle de hanter la société contemporaine ? C’est une chose de lire, et même d’apprécier ses récits ; mais c’est une toute autre chose de croire qu’ils sont réellement arrivés. En fait, si Dieu est entré dans l’histoire à travers notre espace-temps – si les récits de la Bible sont véridiques, si ses déclarations sont authentiques (un exemple : Jésus va vraiment revenir en Juge et Rédempteur) – cela signifie également que les êtres humains ont certaines obligations morales envers Dieu et leurs semblables !

L’importance du récit biblique pour la foi

Ronald Nash1, philosophe, et Gerhard Maier2, théologien, tous deux chrétiens évangéliques, reconnaissent que la foi, ainsi que la relation personnelle avec Dieu qu’elle implique, est impossible sans la narration biblique. Selon eux, c’est dans les évènements historiques (passés et présents) que nous rencontrons Dieu, que nous le connaissons, et que nous développons une relation personnelle avec lui. Après avoir étoffé cette idée de plusieurs exemples scripturaires, Maier commente : « La foi ne peut surgir que là où Dieu, auparavant, a non pensé mais agi. C’est-à-dire qu’elle surgit en tant que foi biblique uniquement dans le domaine de la révélation biblique dont l’incidence s’est prolongée dans l’histoire. »3

L’érudit évangélique Carl R. H. Henry souligne que « Dieu se révèle lui-même […] au sein de cette histoire extérieure par des actes salvateurs uniques »4. Par conséquent, ajoute Gerhard Maier, nous nous devons d’insister là-dessus parce que les « actes historiques » appartiennent inextricablement à la révélation divine, « Dieu étant le fondement ultime de l’histoire. Dieu se révéla dans l’histoire de sorte qu’on puisse le discerner même parmi une race humaine déchue. Lorsque nous parlons de la nature historique de la Bible, nous avons précisément en tête cette traversée de la révélation divine éternelle dans le monde espace-temps présent (transitio revelationis). »5

Il est significatif que Maier prenne soin de noter que l’examen historique seul ne peut engendrer la foi, car la foi exige une relation personnelle avec ce Dieu qui vient à notre rencontre dans les péripéties de l’histoire. Cette rencontre avec Dieu n’est pas simplement la connaissance ou la persuasion intellectuelle qu’il existe. En effet, beaucoup peuvent croire en l’existence de Dieu mais ils ne croient pas en lui et ne pourront être sauvés.

C’est en partie la raison pour laquelle les croyants sont (ou devraient être) peu disposés à dire que l’histoire (ou l’archéologie) « prouve » la foi. En elle-même, l’archéologie n’en a pas le pouvoir. Néanmoins, l’histoire joue un rôle crucial, car une connaissance interpersonnelle authentique est impossible en dehors de la connaissance historique. Nash commente : « Peu importe la mesure dans laquelle la connaissance de la foi est comparable à une connaissance interpersonnelle, il est certain qu’un engagement de foi exige une connaissance historique préalable. Confiance et connaissance vont de pair. Lorsqu’une personne noue une amitié ou tombe amoureuse, elle prend un engagement qui surpasse sa connaissance, certes, mais qu’elle n’aurait jamais pris sans une certaine connaissance préalable. La personne qui s’engage se dit que même si elle ne connaît pas tout sur l’autre, elle en sait assez pour le croire, pour lui faire confiance, pour prendre un engagement qui va au-delà des preuves. Mais son engagement est malgré tout fondé sur un minimum de preuves. »6

De plus, la connaissance cognitive reste importante, essentielle même, pour la connaissance interpersonnelle ; la connaissance historique, elle, reste pertinente même après s’être engagé personnellement7.

Le possible et l’impossible de l’archéologie

L’archéologie est bien entendu un moyen scientifique de « ressusciter » l’histoire. Ainsi, sa pertinence dans l’exploration du récit biblique paraît évidente. Cependant, il existe certaines choses que l’archéologie ne peut ou ne doit pas faire. Par exemple, on ne doit pas la considérer comme une autorité définitive quant à la véracité de la Bible, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas avoir pour objectif de prouver la Bible. Conférer à cette discipline une telle position d’autorité, c’est soumettre l’autorité inséparable de la Bible à une autre autorité. En outre, comme l’observe Lloyd Willis, archéologue adventiste et spécialiste de l’Ancien Testament, « l’archéologie étant explicative par nature [c’est-à-dire, subjective], des contradictions apparentes sont inévitables, si bien que le chrétien risque de se trouver face à un dilemme. C’est en Dieu et en l’Écriture qu’il faut croire. »8 Par ailleurs, l’archéologie présente d’autres faiblesses inhérentes qui l’empêchent de servir d’autorité absolue. En général, elle ne peut prouver les détails des faits historiques significatifs, ni vérifier les dimensions théologiques des faits bibliques. Pour ces raisons et d’autres encore, l’archéologie ne peut servir de fondement approprié pour la foi.

Contributions positives de l’archéologie

Malgré ces limites, l’archéologie peut apporter quantité d’éléments positifs au regard de la Bible. Par exemple, servir de test pour les reconstructions de textes bibliques faites par des critiques historiques. Autrement dit, l’archéologie peut « réfuter » des théories erronées au sujet de la Bible, ou, en termes plus positifs, elle peut fournir un point de vue différent « pour éprouver… [une] interprétation [historico-critique] des documents »9. Deuxièmement, l’archéologie peut fournir le cadre contemporain et le contexte historique, culturel, linguistique et religieux pour la rédaction de documents bibliques et les circonstances que ces documents décrivent. En ce sens, elle fournit parfois une clarification. Troisièmement, elle peut offrir des preuves corroboratives de l’existence de personnes, de lieux, et même de faits précis mentionnés dans les écrits bibliques.

Bien qu’édifiantes pour une foi déjà établie, les contributions positives de l’archéologie ne sont pas forcément essentielles pour le croyant. Cependant, l’archéologie peut aider l’incroyant qui se demande si les faits et les personnages de la Bible sont totalement fictifs. Évidemment, les données archéologiques ne peuvent pas en elles-mêmes convertir quelqu’un – seul le Saint- Esprit en a le pouvoir. Cependant, elles sont apte à fournir une information que le Saint-Esprit utilisera par la suite pour impressionner positivement une âme qui cherche à découvrir la vérité.

Archéologie, personnages bibliques et évènements

Il serait intéressant et utile d’examiner des exemples de contributions positives de l’archéologie pour la compréhension de la narration biblique. Depuis les tout débuts des explorations modernes dans l’ancien Proche-Orient, l’archéologie a continuellement vérifié l’existence de personnages et d’évènements bibliques. Paul-Émile Botta (1802-1870), consul de France et archéologue, fit en 1843 la première de ces découvertes qui eut une portée directe sur la Bible. Il fit des fouilles sur le monticule de Khorsabad, aussi connu sous le nom de Dur Sharrukin (forteresse de Sargon), en Irak. Il découvrit de nombreuses tablettes cunéiformes ainsi que des bas-reliefs comportant des inscriptions. Quand il les rapporta en Europe, un érudit du nom de Longperrier parvint à discerner le nom Sar-gin sur l’une des inscriptions. Il découvrit que ce nom était celui de Sargon, le roi d’Assyrie mentionné dans Ésaïe 20.1. Il s’agit, à ma connaissance, du premier personnage biblique dont l’existence fut confirmée indépendamment de l’Écriture.

En 1846, Edward Hincks, un pasteur irlandais, réussit à lire le nom du roi Nebucadnetsar (II) et celui de son père sur des briques d’argile que des voyageurs avaient rapportées de Mésopotamie. Ceci confirma l’existence de ce roi mentionné dans le livre de Daniel, ainsi que sa prétention de grand constructeur de Babylone.

Vers la même époque, Austen Henry Layard, un archéologue britannique, se livra à des fouilles sur les sites jumeaux de Kuyunjik et de Nebi Yunus (site traditionnel du tombeau de Jonas) ; on découvrit que ces deux sites faisaient partie de la Ninive biblique10. Parmi les découvertes bibliquement significatives et mises au jour par Layard, on compte l’obélisque noir (1846). Des érudits parvinrent à déchiffrer là les noms de personnes mentionnées dans la Bible : Salmanasar (III), mentionné dans 2 Rois 17.13, et Jéhu, fils de la maison d’Omri. Jéhu est le roi d’Israël bien connu pour conduire agressivement son char (2 R 9.20). En 1853, Layard, avec l’aide de ses épigraphistes, déclara qu’il avait découvert près de 55 dirigeants, villes et pays mentionnés dans l’Ancien Testament et dans les textes assyriens récemment découverts11.

À l’instar de nombreuses découvertes supplémentaires entre 1850 et 1990, certaines découvertes plus récentes sont passionnantes. De leur nombre, l’ossuaire probable de Caïphe, le souverain sacrificateur qui présida une partie du procès de Jésus ; la découverte du nom du roi David sur une stèle araméenne de Tel Dan ; le nom de Baruc, le scribe de Jérémie (de même que son empreinte digitale) ; et le sceau du roi Ézéchias.

Contexte et milieux historiques, culturels, linguistiques et religieux

L’archéologie a fourni de fascinantes perspectives historiques, culturelles, linguistiques et religieuses sur la chute de Lakis (2 R 18). Nous n’avons pas seulement le récit biblique, mais aussi le récit imagé de Sanchérib, retrouvé dans son palais, de même que son propre rapport de la bataille. De plus, le site de Lakis a été excavé, mettant au jour encore plus d’éléments de la bataille. Ces découvertes ont fourni toutes sortes de détails sur cet épisode biblique.

Réfuter la critique contre l’historicité de la Bible

La réfutation des défis que les critiques ont lancés au sujet de la véracité historique de la Bible constitue le dernier secteur auquel l’archéologie peut apporter sa contribution. Par exemple, pendant la dernière partie du XIXe siècle, lorsque la méthode historico-critique devint largement acceptée, un exemple prit le pas sur d’autres pour illustrer l’inexactitude des faits : les références à Belschatsar en tant que dernier roi de Babylone, tirées du livre de Daniel. Certains érudits, tel Ferdinand Hitzig dans son commentaire sur Daniel12, allèrent jusqu’à suggérer que Belschatsar était une pure invention de la part de l’auteur du chapitre 5 de Daniel. Cependant, comme on le sait fort bien aujourd’hui, en 1854, des cylindres d’argile furent découverts dans l’antique cité d’Ur. Sur l’un d’entre eux, on peut lire une prière en faveur du roi Nabonide et de son fils – Belschatsar. D’autres documents furent découverts par la suite, indiquant que le roi Nabonide préféra habiter à Teima, dans le nord de l’Arabie, plutôt qu’à Babylone, la capitale. Selon toute apparence, il établit son fils en tant que second du royaume – en fait, corégent. Ceci explique pourquoi Belschatsar offrit à Daniel la troisième place du royaume, et non la seconde, cette dernière étant déjà la sienne.

Ici, il n’est pas question de montrer comment l’archéologie a prouvé la véracité de la Bible. Aucune de ces tablettes au sujet de Belschatsar ne se réfère aux derniers incidents fatidiques qui se produisirent dans la grande salle du palais où, selon le livre de Daniel, le roi fut pesé et trouvé trop léger. Dans ce cas, l’archéologie est plus efficace pour réfuter les déclarations des critiques affirmant que Belschatsar n’a pas existé que pour prouver la véracité du récit biblique. La preuve archéologique qu’un tel individu a vraiment existé est satisfaisante pour le croyant, certes, mais n’est pas et ne devrait pas être nécessaire pour prouver l’historicité de la Bible.

Les critiques soulèvent une autre objection : la présence apparente d’anachronismes dans la Bible. Par anachronisme, nous entendons un évènement ou un phénomène d’une période ultérieure de l’histoire rapporté lors d’une période antérieure. Parmi les bons exemples, mentionnons les chameaux et les tentes auxquels les récits patriarcaux font allusion (Gn 12.16). On a avancé que les chameaux ne furent pas domestiqués avant le premier millénaire av. J.-C., soit bien après la supposée période patriarcale du deuxième millénaire. De même, on a avancé qu’habiter sous la tente (comme dans l’histoire d’Abraham et de sa famille) était plus courant au cours du premier millénaire que du deuxième. Les références aux tentes et aux chameaux étant, par conséquent, anachroniques, elles mettent en doute la fiabilité historique des récits de la Genèse où elles sont consignées.

Mes propres recherches sur les chameaux domestiqués montrent que ces critiques ont tort. Par exemple, en juillet 1998, lors d’une excursion dans le Wadi Nasib du Sinaï, j’ai remarqué non loin d’une stèle d’Amménémès III le pétroglyphe d’un chameau conduit par un homme, et des inscriptions protosinaïtiques (première alphabétisation). D’après la patine des pétroglyphes, les dates des inscriptions qui l’accompagnaient et les restes archéologiques à proximité, ce pétroglyphe de chameau remonte à la fin de l’âge de bronze, probablement pas plus tard que 1500 av. J.-C13. Il est clair que les érudits qui ont nié la présence de chameaux domestiques au cours du deuxième millénaire av. J.-C. se sont trompés en avançant l’argument du silence, ou raisonnement négatif. On ne devrait pas permettre à cette approche de semer le doute sur la véracité de tout document historique, et encore moins des Écritures.

Conclusion

Jusqu’ici, nous avons tenté de décrire le rapport entre l’archéologie et l’étude des Écritures à l’intérieur d’un contexte qui accepte la Bible en tant que Parole de Dieu entièrement inspirée, et qui fait autorité. Cette vision déclare que la Bible fournit une histoire véridique et exacte de la relation entre Dieu et l’humanité de la création à nos jours. Le Dieu de la Bible étant la source de la vérité et de la justice, il nous invite à l’éprouver et à examiner ses déclarations. Nous pouvons le faire au moyen de nombreuses disciplines, y compris l’archéologie. Les Écritures nous rappellent que le Dieu de la Bible est venu partager notre espace-temps et notre parcours par sa Parole, son Fils et les évènements. Ainsi, par l’histoire, nous pouvons rencontrer Dieu. En outre, parce que Dieu est aux commandes de l’histoire, le chercheur qui a une relation avec lui peut mieux la comprendre. Par conséquent, aucune recherche historique objective authentique n’est possible sans une relation avec Dieu. Comme la Bible nous informe que les révélations de Dieu sont vraies, les archéologues qui croient en la Bible ne se servent pas de leur discipline pour éprouver l’authenticité des déclarations scripturaires – l’archéologie ne s’érige pas en juge des Écritures. Cependant, on peut avantageusement se servir de l’archéologie pour clarifier et corroborer les déclarations des Écritures, pour édifier les croyants, et pour montrer les lacunes des reconstructions historiques qui entrent en conflit avec les déclarations bibliques. Finalement, l’archéologie devrait avoir pour objectif d’inspirer l’humanité à mieux comprendre sa relation rédemptrice avec Dieu, le Créateur.

Randall W.Younker (titulaire d’un doctorat de l’Université de l’Arizona) enseigne l’Ancien Testament et l’archéologie biblique au Séminaire adventiste de théologie de l’Université Andrews, Berrien Springs, Michigan, où il est aussi directeur de l’Institut d’archéologie et du musée Siegfried Horn.

Cet article est quelque peu adapté de l’ouvrage Always Prepared (éd. H. Rasi et N. Vyhmeister). Imprimé avec permission.

Citation recommandée

Randall W. Younker, « Jusqu’à quel point les découvertes archéologiques confirment-elles la Bible ? », Dialogue 27 (2015/2), p. 5-8

RÉFÉRENCES

  1. Ronald Nash, Christian Faith and Historical Understanding, Zondervan, Grand Rapids, MI., 1984.
  2. Gerhard Maier, Biblical Hermeneutics, tr. R. W. Yarbrough, Crossway, Wheaton, IL, 1994.
  3. Ibid. p. 219.
  4. C. F. H. Henry, Revelation and Authority, Word Books, Waco, TX : 1976, p. 11.
  5. Maier, p. 210.
  6. Nash, p. 149.
  7. Ibid.
  8. A. Willis, Archaeology in Adventist Literature : 1937- 1980, Andrews University Press, Berrien Springs, MI., 1982, 560nl.
  9. H. Darrell Lance, The Old Testament and the Archaeologist, Fortress Press, Philadelphie, 1981, p. 66.
  10. Austen H. Layard, Discoveries in the Ruins of Nineveh and Babylon, Londres, John Murray, 1883.
  11. P. R . S. Moorey, A Century of Biblical Archaeology, Westminster John Knox Press, Louisville, KY, 1991, p. 11.
  12. F. Hitzig, Das Buch Daniel, Weidmann, Leipzig, 1850, p. 75.
  13. Randall W. Younker, « Late Bronze Age Camel Petroglyphs in the Wadi Nasib, Sinai », Near East Archaeological Society Bulletin 42, 1977, p. 47-54.

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