Histoire de la rédemption: « Dans les régions lointaines »

Par Ellen G. White

Ce chapitre est basé sur Actes des Apôtres 13 :1-4 ; 15 :1-31.

APRÈS avoir quitté Jérusalem durant la persécution qui sévit après le martyre d’Etienne, les apôtres et les disciples annoncèrent le nom  du  Christ  dans  les  villes  avoisinantes,  en exercant leur action missionnaire parmi les Juifs d’origine hébraïque et d’origine grecque. “La puissance du  Seigneur  était avec eux et un grand nombre de personnes crurent et se convertirent au Seigneur” Actes des Apôtres 11 :21.

Quand les croyants vivant à Jérusalem apprirent cette bonne nouvelle, ils s’en réjouirent, et Barnabas, “homme bon, rempli du Saint-Esprit et de foi” (Actes des Apôtres 11 :24), fut envoyé à Antioche, la métropole de Syrie, pour prêter main forte à l’église. Il remplit son ministère avec beaucoup de succès dans cette ville. Comme l’œuvre du Seigneur se développait, il sollicita et obtint le concours de Paul ; ces deux disciples travaillèrent ensemble dans cette localité pendant une année, enseignant le peuple et gagnant de nouveaux membres à l’Eglise du Christ.

Une forte colonie juive et une nombreuse population païenne vivaient à Antioche. Cette métropole était recherchée par les amateurs de confort et de plaisir à cause de son climat salubre, de la beauté de son site, de sa prospérité, de sa vie culturelle et de ses mœurs raffinées. C’était aussi une ville où régnait la débauche. Les jugements de Dieu s’abattirent finalement sur Antioche, à cause de la perversité de ses habitants.

C’est là qu’on donna pour la première fois aux disciples le nom de chrétiens. On les appela ainsi parce que le Christ était le thème principal  de  leur  prédication,  de leur enseignement et de leurs conversations. Ils faisaient sans cesse le récit des événements survenus pendant son ministère terrestre, alors que ses premiers disciples jouissaient de sa présence personnelle. Ils mettaient continuellement l’accent sur ses enseignements, sur les guérisons qu’il accomplissait, sur ses exorcismes et sur les morts qu’il avait ramenés à la vie. Les lèvres tremblantes d’émotion, les yeux pleins de larmes, ils parlaient de son agonie dans le jardin de Gethsémané, de la trahison dont il avait été victime, de son jugement et de son exécution, de la patience et de l’humilité avec lesquelles il avait supporté les outrages et les tortures infligées par ses ennemis, et du pardon que, dans sa grâce infinie, il avait demandé à Dieu pour ses persécuteurs. La résurrection du Christ, son ascension, son œuvre dans le ciel en tant que Médiateur au service de l’homme déchu : tels étaient les sujets qu’ils aimaient traiter. Les païens pouvaient à juste titre les appeler chrétiens puisqu’ils prêchaient le Christ et qu’ils priaient Dieu en son nom. Dans la cité populeuse d’Antioche, Paul trouva un excellent champ d’action où, grâce à son grand savoir, sa sagesse et son dynamisme, il exerça une profonde influence sur les habitants et les visiteurs de ce centre culturel.

Pendant ce temps, l’œuvre des apôtres était concentrée sur Jérusalem où, à l’occasion des fêtes annuelles, des Juifs de toutes langues et de tous les pays se rendaient au temple pour adorer. En de telles occasions, les apôtres prêchaient le Christ avec un courage sans défaillance, tout en sachant qu’ils agissaient au péril de leur vie. L’Eglise chrétienne faisait de nombreux adeptes, et en retournant dans leurs pays respectifs, les nouveaux convertis répandaient la semence de la vérité parmi toutes les nations et dans toutes les classes de la société.

Pierre, Jacques et Jean avaient la certitude que le Seigneur les avait désignés pour prêcher le Christ dans leur propre pays et à leurs compatriotes. Paul, quant à lui, avait reçu sa mission de Dieu lui-même, tandis qu’il priait dans le temple, et l’ampleur de son champ d’action lui avait été clairement indiquée. Afin   de le préparer à remplir cette tâche immense et importante, le Seigneur était entré en relation étroite avec l’apôtre et lui avait permis d’entrevoir au cours d’une vision la splendeur et la gloire du ciel.

Paul et Barnabas consacrés au ministère

Dieu se révéla aux pieux prophètes et enseignants de l’église d’Antioche : “Un jour, pendant qu’ils célébraient le culte du Seigneur et qu’ils jeûnaient, le Saint-Esprit leur dit : Mettez      à part Barnabas et Saul pour accomplir l’œuvre à laquelle je    les ai appelés” Actes des Apôtres 13 :2. Ces  apôtres  furent donc solennellement consacrés à Dieu par le jeûne, la prière et l’imposition des mains ; puis ils furent envoyés dans leur champ missionnaire parmi les Gentils.

Jusque-là, Paul et Barnabas avaient travaillé comme ministres du Christ, et le Seigneur avait richement béni leurs efforts ; cependant, ni l’un ni l’autre n’avait été consacré au ministère  de l’Evangile par la prière et l’imposition des mains. Etant désormais investis des pleins pouvoirs ecclésiastiques, ils étaient autorisés non seulement à enseigner la vérité, mais aussi à baptiser et à organiser des communautés locales. C’était une époque importante pour l’Eglise. Bien que le mur de séparation entre les Juifs et les Gentils ait été renversé par la mort du Christ, donnant aux païens libre accès aux privilèges de l’Evangile, un voile masquait encore les yeux de nombreux chrétiens d’origine juive et les empêchait de voir clairement la fin de ce qui avait été aboli par le Fils de Dieu. L’œuvre devait maintenant se poursuivre activement parmi les Gentils et aboutir à fortifier l’Eglise par une riche moisson d’âmes.

Dans cette œuvre missionnaire spéciale, les apôtres étaient  à la merci de  la  suspicion,  des  préjugés  et  de  la  jalousie.  En rompant avec le sectarisme des Juifs, leur doctrine et leur enseignement les feraient tout naturellement accuser d’hérésie, et leur autorité comme ministres de l’Evangile serait mise en doute par de nombreux chrétiens zélés, issus du judaïsme. Mais Dieu avait prévu tous ces obstacles auxquels les apôtres allaient être confrontés. C’est pourquoi, dans sa sagesse, le Seigneur    fit en sorte qu’ils soient revêtus par l’Eglise d’une autorité incontestable, afin que leur apostolat soit inattaquable.

Plus tard, on abusa de la cérémonie de l’imposition des mains en y attachant une importance excessive, comme si elle conférait ipso-facto toutes les qualités nécessaires à l’exercice du ministère. Cette imposition des mains était considérée comme ayant une vertu magique. Mais dans le cas de ces deux apôtres, il est simplement fait mention de l’importance que cette imposition des mains revêtait en vue de leur ministère. Dieu lui-même avait déjà prescrit à Paul et à Barnabas leur mission ; la cérémonie   de l’imposition des mains ne leur  conférait  donc  pas  une  force nouvelle ou des qualifications spéciales. Cette cérémonie équivalait à mettre le sceau de l’Eglise sur l’œuvre du Seigneur ; c’était une manière d’investir officiellement quelqu’un en vue d’une fonction particulière.

La première Conférence Générale

Certains Juifs de Judée semèrent le trouble parmi les croyants d’origine païenne en soulevant la question de la circoncision. Ces judaïsants affirmaient avec force que nul ne pouvait être sauvé s’il n’était circoncis et s’il n’observait toute la loi cérémonielle.

C’était une question importante et qui affectait profondément l’Eglise. Paul et Barnabas réagirent aussitôt et s’opposèrent à ce que le sujet soit discuté parmi les Gentils. Les Juifs convertis d’Antioche, qui se rangeaient à l’avis de ceux de Judée, n’étaient pas d’accord sur ce point avec Paul et Barnabas. Le litige  aboutit finalement à un grand débat et au désaccord dans la communauté, au point que l’église d’Antioche, craignant qu’en se prolongeant, la discussion n’engendre une scission, décida d’envoyer Paul et Barnabas, accompagnés de quelques dirigeants d’Antioche, à Jérusalem, afin que le problème soit soumis aux apôtres et aux anciens. Les frères venus d’Antioche devaient     y rencontrer des délégués de différentes  communautés  ainsi que les croyants venus assister aux prochaines fêtes annuelles. Entre-temps, toute discussion sur le sujet devait cesser, jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise par les responsables de l’Eglise. Cette décision serait alors universellement acceptée par les différentes communautés du pays.

A leur arrivée à Jérusalem, les délégués d’Antioche firent part à l’assemblée des églises des succès de leur ministère ; ensuite, ils rendirent compte de la discorde engendrée par le fait que certains pharisiens convertis affirmaient que les païens entrant dans l’Eglise devaient être circoncis et observer la loi de Moïse pour être sauvés.

Les Juifs s’étaient toujours glorifiés de la mission divine qui leur avait été confiée. Puisque Dieu leur avait clairement indiqué autrefois la manière hébraïque de lui rendre un culte, il était inadmissible à leurs yeux qu’un changement quelconque puisse être apporté à ce qui avait été prescrit. Selon eux, les lois et les cérémonies juives devaient être incorporées au christianisme. Ces judaïsants étaient lents à discerner la fin de ce qui avait été aboli par la mort du Christ ; ils n’arrivaient pas à comprendre que tous les sacrifices rituels n’avaient fait que préfigurer la mort du Fils de Dieu en qui le type avait rencontré son antitype et que, par conséquent, les rites et les cérémonies de la religion juive étaient désormais périmés.

Paul s’était glorifié de son rigorisme pharisaïque ; mais depuis que le Christ s’était révélé à lui sur le chemin de Damas, il concevait nettement la mission  du  Sauveur  et  l’œuvre  qu’il lui avait confiée pour la conversion des Gentils ; de plus, il comprenait pleinement la différence entre une foi vivante et un formalisme sans vie. Cependant, Paul se considérait toujours comme un fils d’Abraham, et il respectait l’esprit et la lettre des dix commandements aussi fidèlement qu’avant sa conversion au christianisme. Mais il savait que toutes les cérémonies typiques devaient cesser puisque ce qu’elles préfiguraient s’était réalisé et que la lumière de l’Evangile inondait de sa gloire la religion juive, donnant ainsi une signification nouvelle à ses anciens rites.

La conversion de Corneille : une référence

Quelque soit l’angle sous lequel on l’envisageait,  la question en litige soumise au concile présentait des difficultés insurmontables. Mais, en fait, le Saint-Esprit avait déjà élucidé le problème, et de sa solution dépendait la prospérité et l’existence même de l’Eglise chrétienne. L’aide, la sagesse divine et le discernement furent donnés aux apôtres pour trancher l’épineuse question.

Pierre expliqua que le Saint-Esprit avait réglé ce différend en accordant une puissance égale aux Gentils incirconcis comme aux Juifs circoncis. Il  raconta  la  vision  dans  laquelle  Dieu  lui avait présenté une nappe couverte de toutes espèces de quadrupèdes, et lui avait donné l’ordre de tuer et de manger, ce qu’il avait refusé de faire en affirmant n’avoir jamais mangé ce qui était souillé ou impur. Sur ce, le Seigneur lui avait dit : “Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur” Actes des Apôtres 10 :15.

L’apôtre  ajouta : “Dieu, qui connaît le cœur des hommes,    a montré qu’il les acceptait (les Gentils) en leur donnant le Saint-Esprit aussi bien qu’à nous. Il n’a fait aucune différence entre eux et nous : il a purifié leur cœur parce qu’ils ont cru. Maintenant donc, pourquoi mettez-vous Dieu à l’épreuve en voulant imposer aux croyants un fardeau que ni nos ancêtres ni nous-mêmes n’avons pu porter ?” Actes des Apôtres 15 :8-10.

Ce fardeau n’était pas la loi des dix commandements, comme le prétendent ceux qui contestent les obligations de la loi morale ; Pierre faisait allusion à la loi cérémonielle, qui fut rendue nulle et non avenue par la crucifixion du Sauveur. Le discours de l’apôtre disposa l’assemblée à prêter une oreille attentive au récit que Paul et Barnabas firent de leur expérience missionnaire parmi les Gentils.

La décision du concile

Jacques rendit son témoignage avec hardiesse en déclarant que Dieu désirait accorder aux Gentils les mêmes privilèges   que ceux dont bénéficiaient les Juifs. Le Saint-Esprit jugea qu’il n’était pas nécessaire d’imposer la loi cérémonielle aux païens convertis. Après avoir mûrement réfléchi à la question, les apôtres parvinrent à la même conclusion : leur pensée était en harmonie avec l’Esprit de Dieu. Jacques présidait l’assemblée ; il la clôtura par ces mots : “Je suis d’avis qu’on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu” Actes des Apôtres 15 :19, Segond.

Selon lui, il n’était pas sage d’imposer, ni même de recommander aux Gentils l’observation de la loi cérémonielle, et notamment de la circoncision. Jacques s’efforça de faire comprendre à ses frères qu’un réel changement de vie s’était  opéré chez les païens convertis, et qu’il fallait éviter de les troubler par des questions secondaires susceptibles de faire naître dans leur esprit la perplexité et le doute, et de les décourager de suivre le Christ.

De leur côté, les Gentils devenus chrétiens ne devaient rien faire qui soit de nature à les mettre en conflit avec leurs frères d’origine juive ou de susciter de leur part des préjugés contre eux. Les apôtres et les anciens tombèrent donc d’accord pour adresser aux païens convertis une lettre dans laquelle ils étaient exhortés à s’abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, de la fornication, de consommer de la chair d’animaux étouffés et du sang. Ils devaient garder les commandements de Dieu et vivre une vie sainte. Autant dire que ceux qui avaient déclaré la circoncision obligatoire n’y avaient pas été autorisés par les apôtres.

Paul et Barnabas furent recommandés par le concile comme des hommes qui avaient exposé leur vie  pour  le  Seigneur.  Jude et Silas furent envoyés avec eux pour faire connaître verbalement aux Gentils la décision prise par l’assemblée. Ces quatre serviteurs de Dieu furent donc chargés de se rendre à Antioche munis de la lettre dont le contenu devait mettre un terme à toute controverse, car cette lettre émanait de la plus haute autorité existant sur la terre.

L’assemblée qui régla le litige se composait des hommes qui avaient fondé les églises chrétiennes issues du judaïsme et de    la gentilité. Etaient également présents les anciens de l’église  de Jérusalem, des délégués d’Antioche et des églises les plus influentes. Ce concile ne prétendit pas à l’infaillibilité mais il agit conformément à l’inspiration divine et avec la dignité d’une Eglise établie par la voloné d’en haut. A la suite des délibérations de l’assemblée, les croyants comprirent que le Seigneur lui-même avait tranché le litige en accordant aux païens le Saint-Esprit, et qu’il appartenait à l’Eglise de suivre ses directives.

Le corps entier des chrétiens ne fut pas appelé à statuer sur ce différend. Ce furent les apôtres et les anciens—hommes influents et au jugement sain—qui rédigèrent et publièrent le décret, lequel fut généralement accepté par les églises chrétiennes. Cependant, tous ne furent pas satisfaits de la décision qui avait été prise :  un groupe de faux frères décidèrent d’entreprendre un travail sous leur propre responsabilité. Ils se complurent dans la critique, proposèrent de nouveaux plans et cherchèrent à saper l’œuvre accomplie par des hommes expérimentés que Dieu avait choisis pour prêcher la doctrine du Christ. Dès les origines, l’Eglise rencontra de tels obstacles auxquels elle sera confrontée jusqu’à la fin des temps.

Source: Histoire de la Redemption de Ellen G. White

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