Quelles sont les règles de base en matière d’interprétation en interne des Ecrits d’Ellen White?

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Quelles sont les règles de base en matière d’interprétation en interne des Ecrits d’Ellen White?

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Staff AdventDesk Réponses sélectionnée comme la meilleure 18 mai 2019
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[Extrait de Messenger of the Lord : the Prophetic Ministry par Herbert Douglass, (Nampa, Idaho: Pacific Press Publishing Association, 1998), pages 388 à 392.
Les notes indiquées entre guillemets sont numérotées comme telles dans le texte d’origine]
Règles de base de l’interprétation
On veut tous être compris. Il arrive souvent que les incompréhensions apparaissent lorsqu’une phrase est sortie de son contexte. C’est pourquoi tous ­ceux qui ont été mal compris font appel au sens de la justice afin de prendre en compte le contexte. Celui-ci inclut à la fois des éléments internes et externes qui permettent d’établir la vérité sur une phrase que l’on étudie.

En interne, on se fait en général une bonne idée de ce que l’auteur veut dire quand on lit les mots, phrases, paragraphes, et même les chapitres autour d’une phrase intrigante. En externe, on se pose d’autres questions (comme « quand », « où », « qui », et peut-être « comment »), qui nous aideront peut-être à comprendre l’époque, le lieu et les circonstances qui s’appliquent à ce contexte externe, comme nous allons bientôt le voir.
Eléments internes :
Règle 1 : Reconnaître que la Bible et les écrits d’Ellen White sont le produit d’une inspiration de pensée, et non verbale, comme le décrit le chapitre précédent.
Règle 2 : Reconnaître que les définitions de termes peuvent évoluer avec le temps.
Par exemple, dans la Bible Segond de 1910, certains mots ont changé de signification, ce qui fait que le sens que les traducteurs voulaient leur donner ne tient plus. Des lecteurs familiers de la Bible auront une compréhension erronée de certains textes, s’ils ne sont pas conscients des changements du sens des mots. 1

C’est la même chose pour les écrits d’Ellen White, par exemple avec la phrase « It is the nicest work ever assumed by men and women to deal with youthful minds » 2, qui a tant déconcerté. Ce mot en gras est le superlatif de l’adjectif « nice » qui en français contemporain donnerait le sens suivant à la phrase : « c’est la tâche la plus belle qui soit donnée d’être accomplie par des hommes et des femmes que de s’occuper de jeunes esprits ». Lorsque Mme White utilisa ce même mot dans d’autres circonstances, elle vit le problème et donna des détails : « This work is the nicest, the most difficult, ever committed to human beings. » En traduisant littéralement, cela donne : « Cette tâche est la plus belle, la plus difficile, qui ait jamais été confiée aux êtres humains. » 3 Etrange, non ? Au dix-neuvième siècle, l’adjectif « nice » signifiait « pointilleux dans les exigences et les normes » ou « qui exige une précision et une sensibilité extrême ».

Un autre terme dont la connotation a considérablement évolué depuis le dix-neuvième siècle est le mot « intercourse », qui donne en français « relations ». Pendant des centaines d’années, il signifiait « rapport entre les gens », ou bien « échange de pensées et de sentiments ». Aujourd’hui on l’utilise essentiellement pour faire référence à des rapports sexuels, une connotation qu’Ellen White n’a jamais voulue lorsqu’elle utilisa ce terme plusieurs centaines de fois. 4
Règle 3 : Comprendre l’utilisation de l’hyperbole.
Cette figure de style consiste en une exagération évidente de quelque chose pour faire passer un message. Jean s’est servi d’une hyperbole lorsqu’il a dit que si on écrivait tout ce que Jésus avait fait, « le monde même, j’imagine, ne pourrait contenir les livres qu’on écrirait » (Jean 21:25). L’hyperbole est un procédé littéraire qui est présent dans toute la Bible. 5

Ellen White s’en est servi dans une proportion de 5 fois sur 100 au moins à cinq reprises, et d’une fois sur 100 au moins cent fois. Elle n’a pas dit 1 fois sur 13 ou bien 1 fois sur 99. Il est possible qu’elle se soit servi d’une hyperbole lorsqu’elle écrivit : « Je veux faire cette déclaration solennelle à l’église, que pas une personne sur vingt dont le nom est inscrit sur les registres d’église n’est préparée à vivre la fin de leur histoire terrestre, vivant sans Dieu et sans espoir dans le monde comme tout pécheur. » 6
Règle 4 : Comprendre le sens de la phrase dans laquelle un mot est employé.
En 1862, Ellen White écrivait que Satan oeuvrait à travers la phrénologie, la psychologie et le mesmérisme 7. Mais est-ce que ça signifie que toute la psychologie est diabolique ? Apparemment, non, puisqu’en 1897 elle fit remarquer que « les vrais principes de la psychologie se trouvent dans les Saintes Ecritures » 8. On peut remarquer qu’il en est de même pour la télévision, car Satan oeuvre à travers elle, mais que l’usage qu’il est fait ne rend pas la télévision satanique. Il est tout à fait convenable qu’un chrétien étudie la psychologie, qui consiste en l’étude de l’esprit humain et de la manière dont il mûrit, si les présupposés sont bibliques et non humanistes.
Règle 5 : Reconnaître la possibilité d’expressions imprécises.
En 1861, Ellen White a rédigé une pensée qui semblait incohérente avec des déclarations ultérieures sur le même thème : « La phrénologie et le mesmérisme sont très exaltés. Ils sont bons en soi, mais Satan les utilise en tant que ses moyens les plus puissants pour tromper et détruire des âmes. » 9Dans un article de Signes des Temps de 1884, elle écrit : « Les sciences qui traitent de l’âme humaine sont très exaltées. Elles sont bonnes en soi, mais Satan les utilise en tant que ses moyens les plus puissants pour tromper et détruire des âmes. » 10

Visiblement, dans cette déclaration de 1884, on remarque une révision éditoriale de la réflexion qu’Ellen White voulait faire passer à propos des « sciences qui traitent de l’âme humaine ». Il est possible que la phrase de 1861 faisant référence à la phrénologie et au mesmérisme est en fait une erreur de l’imprimeur. Il est encore plus probable de penser que c’était une déclaration générale, qui fut corrigée ultérieurement, et qui faisait écho aux termes employés habituellement au milieu du dix-neuvième siècle pour désigner la psychologie. De nombreux ouvrages abordant la santé physique et mentale comportaient des chapitres dédiés à la phrénologie, la psychologie et au mesmérisme, ou bien faisant de la publicité à des travaux qui attiraient l’attention sur ces modalités.
Règle 6 : Prêter attention au contexte immédiat.
C’est-à-dire au paragraphe ou à la page, pour clarifier une phrase qui semble, au premier abord, être troublante. Par exemple, on peut être perplexe sur l’avertissement d’Ellen White que l’on « ne devrait jamais apprendre à se dire ou à se croire sauvés » 11. Cet avertissement a été donné pour faire attention à la doctrine du « sauvé une fois, sauvé pour toujours », qui existait et perdure encore parmi la plupart des chrétiens évangéliques.

Cet avertissement fut donné dans un contexte plus large, celui expliquant la confiance de Pierre à son triste rejet de son Seigneur le jeudi soir. Elle écrit :

« Ceux qui acceptent le Christ, si sincère que soit leur conversion, ne devraient jamais apprendre à se dire ou à se croire sauvés. C’est une affirmation propre à égarer. Chacun devrait s’efforcer de cultiver l’espérance et la foi ; mais alors même que nous nous donnons à Jésus et que nous avons l’assurance d’être acceptés de lui, nous ne sommes pas encore à l’abri de la tentation. (…) Nous défier de nous-mêmes et ne dépendre que du Christ, voilà notre unique sécurité. » 12

Un autre exemple montrant que prendre en compte le contexte est primordial se trouve dans l’affirmation d’Ellen White que « les serviteurs de Dieu ne peuvent agir aujourd’hui par des miracles, parce que des oeuvres feintes de guérison, prétendument divines, seront accomplies » 13. Cette phrase semble en désaccord avec la position adventiste que tous les dons spirituels donnés à l’Eglise chrétienne (1 Corinthiens 12 et Ephésiens 4) continueront jusqu’à la fin des temps (1 Corinthiens 1:7. De plus, cette phrase contredit apparemment les propres commentaires d’Ellen White selon laquelle dans les derniers jours « Les malades seront guéris, des miracles et des prodiges accompagneront les croyants. » 14 Comment comprendre tout ça ?

Cette contradiction apparente survient lorsqu’on ne lit pas avec attention toute la page 15. Ellen White donne deux éléments importants.
Premièrement, elle décrivait spécifiquement les conditions d’alors. En effet, lorsqu’elle fait référence aux « guérisons miraculeuses », elle affirme qu’on « ne peut pas les accomplir ainsi aujourd’hui » (c’est nous qui mettons en gras). De plus, « les serviteurs de Dieu aujourd’hui ne peuvent pas oeuvrer par le moyen de miracles » (c’est nous qui mettons en gras).

Deuxièmement, elle annonçait ce que le Seigneur lui avait dit à ce moment-là : « L’oeuvre de la guérison physique, alliée à l’enseignement de la Parole s’effectuerait le mieux dans la mise en place de sanatoriums où (…) l’oeuvre missionnaire médicale authentique pourrait être menée à bien. (…) C’est ce que le Seigneur a prévu pour que l’oeuvre missionnaire médicale évangélique puisse être accomplie pour beaucoup d’âmes. » 16 En d’autres termes, à ce moment-là, se distinguant d’exemples de faux miracles de guérison, l’oeuvre de guérison divine peut s’accomplir au mieux par le programme du sanatorium d’enseigner intelligemment sur la cause et le soin de la maladie.

Un autre exemple de propos déformés affirme que « rire est un péché », en se servant de la citation « Christ a souvent pleuré mais on n’a jamais su s’Il avait ri, (…) imitant le Modèle divin et infaillible. » De ce que l’on sait de Jésus dans la Bible, cette phrase semble étrange. Après tout, pourquoi les enfants l’entouraient-ils avec enthousiasme ? Puis on remarque l’ellipse, il manque quelque chose.

Regardons le passage en question ainsi que son contexte. Ellen White donne des conseils à une membre d’église qui « ne voit pas l’intérêt de se maîtriser dans ses paroles et ses actes. (…) Ma soeur, vous parlez trop. (…) Votre langue fait du mal. (…) Votre langue a allumé un feu et vous vous délectez de l’incendie. (…) Vous vous moquez, vous plaisantez, vous jubilez et vous êtes hilare. (…) Christ est notre exemple. Imitez-vous Celui qui est notre Modèle ? Christ a souvent pleuré mais on n’a jamais su s’Il avait ri. Je ne dis pas que rire à chaque occasion donnée est un péché, mais on ne peut s’égarer en imitant le Modèle divin et infaillible. (…) La gaieté chrétienne n’est pas condamnée par les Ecritures, mais parler imprudemment est critiquable. » « En voyant ce monde plongé dans les ténèbres et entravé par Satan, comment peut-on s’aventurer dans la légèreté, la moquerie, les paroles imprudentes et insouciantes, prononcées en l’air, en riant, en se moquant et en plaisantant ? » 17

On remarque ici que le contexte nous donne un nouvel éclairage sur le propos déformé. « Rire » dans le contexte fait référence à une imprudence inadéquate dans le discours et le comportement, une plaisanterie et une moquerie qui « démontre un manque de sagesse à utiliser la vérité d’une manière qui suscite l’opposition, la combativité, et qui provoque la guerre, au lieu d’avoir un état d’esprit paisible et humble » 18. Ellen White ne condamnait pas des rires appropriés, comme elle l’a clairement écrit, mais elle a donné son conseil dans une perspective équilibrée.
Règle 7 : Reconnaître que le sens d’un mot peut changer quand il est utilisé dans un contexte nouveau.
L’expression « la porte fermée » se comprenait de plusieurs manières pour des Adventistes ex-Millérites. Pour Ellen White, il avait un autre sens. James White et Joseph Bates ont redéfini leur utilisation de cette expression entre 1844 et 1852. 19

D’autres termes qu’Ellen White utilisait peuvent nous paraître obsolètes, comme « office » (en français « bureau »), qui désignait la plupart du temps les bureaux administratifs de la maison d’édition, et parfois le siège de la Conférence Générale. 20
Règle 8 : Reconnaître que le défi de la sémantique se pose dans toutes les communications.
Les mots ont un sens différent selon des personnes différentes, en raison de l’éducation, de l’âge, des expériences spirituelles, du lieu géographique et du sexe. Ellen White a ainsi déclaré sur ce problème :

« Beaucoup de personnes interprètent ce que j’écris à la lumière de leurs propres opinions préconçues. (…) Il ne peut qu’en résulter une compréhension divisée et des opinions divergentes. Comment écrire de manière à me faire comprendre par ceux auxquels je m’adresse pour quelque chose d’important est un problème que je ne peux résoudre. Quand je vois que les frères qui me connaissent le mieux me comprennent mal, je suis certaine de devoir prendre plus de temps pour exprimer avec beaucoup d’attention ce que je pense par écrit, car le Seigneur m’a donné des lumières que je ne peux faire autrement que communiquer, ce qui est un grand poids sur moi. » 21

Pour un auteur, la tâche consistant à éviter des incompréhensions est plus délicate que d’essayer simplement se se faire comprendre, parce qu’il doit être tout à fait conscient des problèmes sémantiques.
Notes

  1. 1. Par exemple : charité au lieu d’amour.
  2. 2. Counsels to Parents, Teachers and Students, page 73.
  3. 3. Education (version anglaise), page 292.
  4. 4. The Acts of the Apostles, page 37. The Adventist Home, page 45.
  5. 5. Voir Exode 9:6 : l’usage de « tout » est souvent un exemple d’hyperbole hébraïque.
  6. 6. Christian Service, page 41 (1893).
  7. 7. Review and Herald, 18 février 1862.
  8. 8. My Life Today, page 176.
  9. 9. Testimonies for the Church, volume 1, page 296.
  10. 10. Signs of the Times, 6 novembre 1884.
  11. 11. Les paraboles de Jésus, page 128.
  12. 12. Les paraboles de Jésus pages 128, 219. Voir aussi Messages choisis, volume 1, page 369.
  13. 13. Medical Ministry, page 14.
  14. 14. La tragédie des siècles, page 664, mais aussi Premiers écrits page 278.
  15. 15. Medical Ministry, page 14.
  16. 16. Medical Ministry, page 14.
  17. 17. Manuscript 11, 1868, cité dans Manuscript Releases, volume 18, pages 368 à 370.
  18. 18. Manuscript Releases, volume 18, page 369.
  19. 19. Voir Manuscript Releases, volume 18, pages 554 à 565 pour une étude de la question de « la porte fermée ».
  20. 20. Voir le volume 3 de Comprehensive Index to the writings of Ellen G. White, pages 3185 à 3188.
  21. 21. Selected Messages, volume 3, page 79.
Staff AdventDesk Réponses sélectionnée comme la meilleure 18 mai 2019

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