Dépendance et Toxicomanie

 

Le point de départ pour se sortir des dépendances et des toxicomanies est de reconnaître qu’on a besoin de changer. Pour un tel rétablissement, il est nécessaire d’avoir une approche holistique touchant à la santé physique, mentale et spirituelle. La désintoxication, pour être efficace, doit s’effectuer à l’intérieur du cadre culturel de l’individu. Elle nécessite également l’espoir et la détermination de réussir dans son éducation, son métier, ou sa profession.

 

Depuis que le monde est monde, la consommation de substances psychoactives fait partie de l’histoire de l’humanité. Nombre des substances que nous utilisons sont extraites des végétaux. La substance la plus courante dont les êtres humains abusent est l’alcool. L’alcool est un sous-produit se formant naturellement lors de la décomposition de la matière organique, dont les fruits, les céréales, les légumes, le lait. Dès l’aube de la civilisation, les êtres humains ont consommé intentionnellement des boissons alcoolisées. Certains archéologues croient que les êtres humains sont devenus sédentaires tout d’abord pour avoir accès à une source stable d’alcool. Ainsi, ils interprètent le développement de la civilisation humaine dans le cadre de l’alcool. Il est établi que l’alcool était considéré comme une boisson saine parce qu’il tuait les bactéries souvent présentes dans les sources d’eau locales1.

De même, bon nombre des autres substances dont les êtres humains abusent sont des plantes qui poussent naturellement dans le monde. On croit que la marijuana provient de l’Asie, mais qu’elle s’est répandue rapidement le long de ce qu’on en est venu à appeler la Route de la soie – une route commerciale reliant la Chine à l’Europe par le Moyen-Orient2. Le pavot – une fleur sauvage poussant dans le Croissant fertile – s’est répandu le long de la Route de la soie. On fabrique l’opium à partir de la sève de la fleur ; cependant, les graines contiennent aussi des traces de la drogue3. Au fil des millénaires, les êtres humains ont abusé d’une autre plante : la coca, laquelle pousse naturellement sur les pentes orientales des Andes, en Amérique du Sud. Cette plante est entrée sur le marché mondial par ce qu’on appelle l’échange colombien4.

De nombreuses archives historiques révèlent que la consommation d’alcool, de marijuana, d’opium et de feuilles de coca faisait partie de la vie quotidienne pour renforcer l’attachement au groupe, soulager la douleur, donner de l’énergie, et ressentir un certain effet psychoactif. Par contre, les propriétés psychoactives de ces substances avaient des limites naturelles. La fermentation naturelle cesse, en effet, après avoir atteint environ 15 pour cent d’alcool. C’est par un processus appelé distillation que les êtres humains ont appris à augmenter la teneur en alcool du liquide à près de cent pour cent5. Dans les années 1990, la marijuana contenait beaucoup moins de THC (la composante psychoactive) qu’aujourd’hui. Il fallait mastiquer de nombreuses feuilles de coca pour entrer dans une phase euphorique quelconque. Ainsi, ces substances ont commencé à nuire considérablement aux individus et à la société dès que les êtres humains ont su distiller, extraire et croiser les plantes pour en augmenter les composantes psychoactives. Par exemple, en 1995, le U.S. Drug Enforcement Administration a rapporté que la moyenne du taux de THC d’une quantité de marijuana qu’on avait saisie était d’environ 4 pour cent. En 2014, on a enregistré une hausse de 12 pour cent6. De plus, une sorte de marijuana – appelée « le parrain » – contenant 34 pour cent de THC a été affichée7. Ce n’est qu’au cours des cent dernières années que les êtres humains ont appris à extraire de la feuille de coca une forme plus pure de cocaïne8.

DÉFINITIONS

Aujourd’hui, le mot dépendance est souvent utilisé à toutes les sauces. Par exemple, on parle de dépendance alimentaire ou de dépendance au travail. La gourmandise ou le travail excessif ont des conséquences importantes sur la santé physique et mentale, de même qu’un impact négatif sur la vie familiale. Cependant, lorsque les scientifiques utilisent le terme dépendance, ils se focalisent habituellement sur ce qu’on appelle la dépendance chimique. L’American Society of Addiction Medicine (ASAM) définit ainsi la dépendance : « Maladie primaire, chronique, des fonctions cérébrales de la récompense, de la motivation, de la mémoire et de ses circuits afférents. Ce dysfonctionnement entraîne des manifestations caractéristiques sur les plans biologique, psychologique, social et spirituel. Cela a pour conséquence la quête pathologique de récompenses et/ou de soulagement, qui se manifeste par l’utilisation de substances ou d’autres comportements9. »

L’ASAM évoque ensuite les caractéristiques supplémentaires de la dépendance : « La dépendance se caractérise par l’incapacité de s’abstenir, par un trouble du contrôle comportemental, par un état de besoin ou de manque, par une capacité diminuée de reconnaître ses problèmes comportementaux et relationnels, et par une réponse émotionnelle dysfonctionnelle. À l’instar d’autres maladies chroniques, la dépendance comporte souvent des cycles de rechute et de rémission. En l’absence de traitement ou d’engagement dans des activités de rétablissement, elle est progressive et peut entraîner l’incapacité ou la mort précoce10. »

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) fournit une excellente définition de la toxicomanie : « C’est l’utilisation nuisible ou dangereuse de substances psychoactives, dont l’alcool et les drogues illicites. L’usage de substances psychoactives peut entraîner un syndrome de dépendance – un ensemble de phénomènes comportementaux, cognitifs et physiologiques qui se développent à la suite d’une consommation répétée de substances, et qui, typiquement, entraînent une envie irrésistible de consommer la drogue, des difficultés dans le contrôle de son utilisation, de la persistance à l’utiliser en dépit des conséquences nuisibles, une plus grande priorité pour la consommation de drogue que pour les autres activités et obligations, une tolérance accrue, et parfois, le retrait social11. »

L’abus et la dépendance sont étroitement liés dans leur définition et dans leur signification concernant la vie de l’individu et de la société.

CONSÉQUENCES INDIVIDUELLES ET SOCIALES DE LA DÉPENDANCE

Les définitions de l’ASAM et de l’OMS de la dépendance contiennent de nombreux éléments importants. Premièrement, la dépendance et la toxicomanie sont un phénomène holistique. Toutes deux affectent la biologie humaine ; elles reprogramment le cerveau et les systèmes de récompense physiologiques. La dépendance signifie que le cerveau humain ne fonctionne plus normalement sans la drogue. Le dépendant cherche à libérer des substances chimiques sources du plaisir, que la drogue stimule, et à éviter la souffrance qui se produit lorsque son cerveau est privé de l’effet de la drogue. En outre, comme les physiologistes le noteraient, il y a des mécanismes de récompense classiques impliqués. Lorsqu’une personne consomme de la drogue, elle en ressent du plaisir ; mais quand elle ne la consomme pas, elle souffre. La dépendance comporte des implications sociales, dont de la difficulté à conserver un emploi, et la violence conjugale. Selon la définition de l’ASAM, la dépendance a également un impact sur la spiritualité.

  • Conséquences pour la santé physique. Le risque physique le plus grave de la toxicomanie, c’est la mort. En 2000, on a répertorié moins de 20 000 cas de décès par overdose de drogue illégale aux États-Unis. Cependant, depuis l’an 2000, la hausse des décès par overdose de drogue aux États-Unis a été importante. Rien qu’en 2016, plus de 60 000 individus sont décédés aux États-Unis en raison d’une surdose de drogue. Ainsi, en 16 ans, les décès imputables à une surdose ont plus que triplé ! Alors que les taux de décès par surdose ont aussi augmenté pour l’héroïne, la cocaïne et la méthamphétamine, le fentanyl et le fentanyl analogue remportent la palme12. Les décès associés à la consommation d’alcool ont aussi grimpé en flèche depuis 2000. Aux États-Unis, ces derniers – comparés aux décès imputables aux autres substances – frappent plus de 88 000 individus par année13.L’utilisation illégale de drogues injectées telles que les opiacés, la cocaïne et l’amphétamine entraîne de graves conséquences pour la santé. En outre, le partage des aiguilles, souvent contaminées, propage de nombreuses maladies, telles que le Virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et l’hépatite C. Dès les premiers jours de l’épidémie de VIH, on savait que les aiguilles infectées étaient un vecteur majeur de l’infection au VIH14.L’augmentation des taux de cancer est aussi associée à la consommation de drogue et d’alcool. La relation entre le tabagisme et le cancer est bien établie. Les recherches indiquent aussi que l’utilisation précoce de marijuana est associée au cancer testiculaire, et que la consommation d’alcool est associée à l’augmentation des risques de cancer, particulièrement au cancer du sein. La pharmacologie de presque toutes les toxicomanies révèle un impact sur les systèmes cardiaque et respiratoire.Les stimulants tels que la cocaïne ou les amphétamines augmentent le rythme cardiaque et la pression sanguine – ce qui peut entraîner une insuffisance cardiaque et un accident vasculaire cérébral (AVC). Les drogues qui dépriment le système nerveux central provoquent une diminution du rythme cardiaque et respiratoire et peuvent ainsi entraîner l’inconscience et la mort. Selon le National Institute on Drug Abuse, il existe une liste presque infinie de conséquences négatives sur la santé physique affectant la quasi totalité des systèmes et des organes du corps. La plupart des drogues contiennent des toxines qui doivent être filtrées puis détoxifiées par les reins et le foie15.Les bienfaits de la consommation d’alcool modérée sur la santé cardiaque ont suscité de nombreux débats. Une méta-analyse internationale récente suggère qu’en fait, des niveaux modérés d’alcool sont associés à des taux plus bas de crise cardiaque. Cependant, des études indiquent aussi que même une consommation modérée d’alcool est associée à des niveaux plus élevés de tous les autres types de maladie cardiaque et de décès, y compris les AVC et les anévrismes. Selon les recherches les plus récentes publiées dans le journal britannique Lancet, il n’existe aucun niveau sûr de consommation d’alcool16.
  • Conséquences pour la santé mentale. La relation entre la toxicomanie et la santé mentale est complexe. Des recherches suggèrent que la consommation de drogue qui se transforme en toxicomanie peut être une forme d’auto-médication contre l’anxiété et la dépression. Assurément, la toxicomanie peut aussi avoir pour origine une douleur physique. Le processus de dépendance lui-même est, par définition, un trouble du cerveau17. La fonction cérébrale s’altère ; le cerveau ne peut plus fonctionner normalement sans la drogue à laquelle il est devenu dépendant. Dans ce cadre, la toxicomanie est associée aux troubles anxieux, dont les attaques de panique et leurs symptômes : tremblement, souffle court, sentiment d’irréalité. La toxicomanie est aussi associée à la dépression et à un sentiment de désespoir. De nombreuses drogues stimulantes telles que la cocaïne et la méthamphétamine sont associées à l’agitation, à l’agressivité et à la paranoïa. Les drogues hallucinogènes, elles, sont particulièrement associées à des perceptions altérées de la réalité, au délirium, à différents types de psychose et à la schizophrénie. La marijuana se classe, elle aussi, dans la catégorie des hallucinogènes. Des preuves montrent irréfutablement que son utilisation à long terme augmente les taux de schizophrénie. En raison des taux accrus de THC dans la marijuana, les conséquences à long terme pour la santé mentale sont source d’une grande inquiétude, particulièrement alors qu’en bien des endroits du monde, on tente d’en légaliser l’utilisation. Une étude longitudinale récente effectuée par l’université du Michigan a révélé des conséquences considérables sur la santé cognitive et mentale liées à l’utilisation de marijuana à long terme18. Notons que bien que la marijuana suscite moins de préoccupation que les opiacés, son utilisation n’est toutefois pas sans risque19.
  • Impact de la toxicomanie sur les relations. Une bonne partie des recherches et de la littérature clinique se focalisent sur les conséquences de la toxicomanie sur la santé physique et mentale. Cependant, de nombreux chercheurs et médecins ont noté que la toxicomanie entraîne de graves conséquences pour la famille, les amis, les collègues et la société en général. Les conséquences sur la santé physique et mentale ont un impact de taille sur les relations sociales. Des problèmes de confiance, de fiabilité, de stabilité de l’humeur et de confidentialité ont tous un effet significatif sur le fonctionnement familial et les relations sociales. Les problèmes de santé ont aussi de graves conséquences pour la famille et les autres relations sociales. La littérature clinique relève que familles, amis et collègues de travail deviennent souvent codépendants du toxicomane. Ils le « couvrent » en endossant les causes et les conséquences de ses comportements dysfonctionnels et de sa toxicomanie ; ils ne le confrontent jamais vraiment aux implications de son problème de drogue.Une étude de l’université du Michigan suggère que la consommation abusive d’alcool augmente de façon significative les chances de divorce. Cette étude, effectuée sur une période de trois ans, révèle que le taux de divorces de ceux qui présentent des troubles liés à l’alcool était d’environ 15 pour cent, et que le taux de divorce était d’environ 5 pour cent pour ceux qui n’en présentent pas20.

PRÉVENTION

Aux États-Unis, le National Institute of Alcoholism and Alcohol Abuse (NIAAA) et le National Institute on Drug Abuse (NIDA) se sont donné pour objectif majeur la prévention de la toxicomanie21. Ces deux instituts ont financé des programmes de prévention pendant des décennies et ont dirigé des recherches sur les meilleures pratiques de prévention. Ils en ont ensuite publié les résultats sur leurs sites internet22. Ces recherches ont révélé des principes utiles : par exemple, la prévention devrait être appropriée à l’âge c’est-à-dire qu’il faut développer des stratégies correspondant aux différents groupes d’âge. De plus, la prévention devrait incorporer des éléments centraux de la culture de l’individu et puiser dans les forces de cette culture. Le genre est aussi un élément important des différentes stratégies de prévention. Au cœur de ces considérations, on trouve de nombreux et importants principes favorisant la résilience chez les populations à risque.

  • LA FAMILLE La famille – l’unité de socialisation primaire de toute société – est au cœur même de toute prévention efficace. C’est dans la famille que nous apprenons notre langue, que nous acquérons nos compétences interactionnelles et nos valeurs fondamentales. On a constaté que trois aspects de la famille sont particulièrement importants : premièrement, on a démontré que le lien familial est associé à des chances plus faibles de développer un problème de toxicomanie. Deuxièmement, un lien émotionnel fort entre les membres de la famille est très protecteur. L’expression de ce lien par la supervision et une communication claire des attentes est cruciale23. Finalement, dîner régulièrement ensembleconstitue également, preuves à l’appui, une importante partie de la prévention. On pense que lorsque les parents et les enfants s’assoient ensemble pour prendre leur repas, le lien familial, la supervision et la communication sont des facteurs favorisants.
  • LE MENTORAT Le mentorat effectué par un adulte responsable constitue un autre élément d’une prévention efficace. Selon les recherches, si les jeunes ont un adulte responsable en qui ils peuvent se confier, auprès duquel ils peuvent chercher conseil et qui leur sert également de modèle, leurs chances de toxicomanie diminuent de façon significative24.
  • LE SERVICE Les recherches montrent que l’engagement dans un service à la communauté s’associe également à des chances moins élevées de délinquance, de toxicomanie, et de dépendance25, et qu’il contribue aussi au rétablissement26
  • LA FOI RELIGIEUSE Dans la prévention de la toxicomanie, notre société sécularisée tente de minimiser l’impact de la religion. Cependant, des recherches approfondies dans différents pays ont révélé que la croyance en Dieu et l’implication dans des activités religieuses dans des églises, des synagogues ou des mosquées favorisent une diminution des taux de toxicomanie. On pense qu’un sens de responsabilité envers Dieu entraîne un comportement plus responsable. L’implication dans des activités religieuses et l’interaction avec d’autres croyants abstinents réduit le risque d’interaction avec les toxicomanes27. On a découvert que cette relation protectrice ne se produit pas seulement au sein du christianisme, mais aussi parmi les musulmans et les juifs28.
  • LES ÉCOLES ET L’ENGAGEMENT PROFESSIONNEL L’une des découvertes les plus cohérentes est que les jeunes qui sont solidement engagés dans un projet à long terme sont moins susceptibles de sombrer dans la toxicomanie. Si un jeune s’est fixé comme objectif d’atteindre un niveau d’éducation élevé et est engagé dans un projet professionnel, les risques de toxicomanie sont considérablement réduits. Les écoles sont une partie très importante de la vie quotidienne des jeunes. Le succès à l’école et la projection du succès scolaire sont essentiels pour l’accomplissement professionnel et ont un impact positif majeur sur la toxicomanie. Il est très important de s’assurer que les enfants réussissent à l’école. Le tutorat et d’autres méthodes pour motiver l’étudiant sont une partie cruciale de la prévention de la toxicomanie29.
  • MACROPOLITIQUES Un autre aspect important de la prévention, c’est le développement et la mise en œuvre de politiques sociales et de lois qui facilitent la prévention. Ceci peut inclure l’utilisation des médias dans l’éducation sur les dangers de la drogue et de l’alcool, de même que des lois renforçant les activités de prévention. Ces lois incluent l’interdiction de fumer dans les lieux publics, la réduction du taux d’alcoolémie permis pour conduire légalement une voiture, et une meilleure application de ces lois. Des lois anti-tabac (lesquelles cherchent à réduire l’exposition à la fumée de tabac et à limiter les espaces réservés aux fumeurs) et la réduction du taux d’alcoolémie permis dans le sang quand on conduit un véhicule ou qu’on manœuvre de l’équipement lourd, ont réduit le tabagisme et les niveaux d’alcoolémie de façon significative.Cependant, les lois et les politiques sont complexes30. Dans n’importe quelle société – et particulièrement dans une démocratie – on ne peut interdire ce que la plupart des membres de cette société désirent faire. Il n’y a pas suffisamment de prisons, et des lois inapplicables résultent souvent en corruption. Actuellement, la société américaine essaie de trouver ce qu’il faut faire avec la marijuana. Tout porte à croire que sa légalisation augmentera. Nous verrons que les conséquences à long terme de l’utilisation de la marijuana iront en augmentant. Cependant, les défenseurs de la légalisation soutiennent que la marijuana est plus « sûre » que l’alcool et les opiacés. Il est important de noter que plus sûr n’est pas sûr. Les recherches montrent clairement que l’utilisation à long terme de marijuana a des conséquences significatives sur la santé.

RÉTABLISSEMENT

À l’échelle mondiale, l’ampleur et les conséquences de l’utilisation de substances et de la toxicomanie sont élevés. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’en 2002, il y avait 185 millions de consommateurs de drogues illicites, 2 milliards de consommateurs d’alcool et 1,3 milliard de fumeurs. En outre, on a estimé en 2000 qu’il y avait une perte significative de vies associée à l’utilisation de ces substances : presque 9 pour cent de la mortalité mondiale est liée au tabagisme, plus de 3 pour cent à l’alcool, et environ 0,5 pour cent à l’utilisation de drogues illicites31. Dans le monde entier, la santé publique et les soins de santé dans le monde se focalisent sérieusement sur la résolution des problèmes de toxicomanie. Aux États-Unis, une recherche considérable a été faite pour identifier un traitement efficace.

Une maladie chronique. La dépendance est, selon un élément central de sa définition, chronique et récidivante. On ne peut traiter une telle information à la légère. La société s’attend souvent à des « traitements » médicaux rapides et efficaces. Cependant, nous considérons aujourd’hui de nombreuses maladies comme étant chroniques ; c’est-à-dire qu’elles sont une condition qu’il faut gérer, dans le sens où la guérison est moins mise en avant. Dans le passé, nous considérions le retour à la consommation de drogues comme étant un échec du traitement. Cependant, le rétablissement est un processus de toute une vie et non l’expérience d’une seule fois32.

Éléments centraux d’un rétablissement efficace. De nombreux principes clés ont émergé des recherches approfondies. La découverte la plus importante est sans doute que ce qui prévient la dépendance et la toxicomanie est aussi ce qui favorise le succès du traitement. Le point de départ du rétablissement des dépendances et des toxicomanies est la reconnaissance du besoin de changer. Pour un tel rétablissement, il faut une approche holistique portant sur la santé physique, mentale et spirituelle. La désintoxication, pour être efficace, doit se poursuivre à l’intérieur du cadre culturel de l’individu. Elle nécessite également l’espoir et la détermination de réussir dans son éducation, son activité ou sa profession.

Les familles, les pairs et les collègues jouent un rôle crucial dans le rétablissement. Le mentorat, lequel s’avère efficace dans la prévention, est aussi essentiel au rétablissement. Les êtres humains sont des êtres sociaux. Après notre naissance, nous dépendons de nos familles et des autres pendant des années33. De même, un rétablissement efficace requiert aussi un vaste système de soutien social et d’implication.

Alors que les publications gouvernementales font référence aux aspects holistiques et spirituels de la dépendance et du rétablissement, ces deux aspects sont rarement, pour ne pas dire jamais, explorés ou discutés en détail. Il y a quelques années, le Journal of Drug Issues34 a consacré un numéro entier à la spiritualité dans la prévention et le rétablissement. Dans ce numéro spécial, une grande variété d’articles a décrit le rôle essentiel que la spiritualité pouvait jouer tant dans la prévention que dans le rétablissement. Ces articles n’ont pas été rédigés par des pasteurs ou des évangélistes, mais principalement par des érudits sécularisés qui ont découvert par leurs propres recherches la puissance empirique de la foi et de sa mise en pratique.

CONCLUSION

La toxicomanie et la dépendance constituent un sujet vaste et profond – certainement plus vaste que ce que nous pouvons couvrir dans cet article. Cependant, j’espère que le matériel présenté ici vous a fourni un large cadre pour comprendre la toxicomanie et la dépendance, les éléments clés de la prévention et du rétablissement, et le rôle vital que la foi et l’implication religieuse peuvent jouer.

Duane C. McBride titulaire d’un doctorat en sociologie du comportement déviant (université du Kentucky), est professeur de sociologie à l’université Andrews, à Berrien Springs, dans le Michigan (États-Unis), et directeur de l’Institut pour la prévention des dépendances de la même université. Il a publié plus de cent articles, chapitres de livres, livres, et monographies dans les domaines de la politique de la toxicomanie, des recherches sur les services de santé, des corrélats du risque pour la santé et des facteurs protecteurs, du crime et de la délinquance, dans des journaux scientifiques et professionnels, dont l’American Journal of Public Health, Criminology, Health Services Research, et le Journal of Substance Abuse Treatment. Il est aussi un contributeur régulier des revues Adventist Review, Ministry et The Journal of Adventist Education. Son courriel : mcbride@andrews.edu.

Citation recommandée

Duane C. McBride, « Dépendance et toxicomanie », Dialogue 30 (2018/2), p. 5-10

  1. Patrick E. McGovern, Uncorking the Past: The Search for Wine, Beer, and Other Alcoholic Beverages, Berkeley, Calif., The University of California Press, 2009, https://www.amazon.com/ Uncorking-Past-Quest-Alcoholic-Beverages/dp/0520267982 ; Bert L. Vallee, « Alcohol in the Western World », Scientific American, 278.6, juin 1998, p. 80-85, http://www.jstor.org/stable/26057861?seq=1#page_scan_tab_contents.
  2. U.S. Drug Enforcement Museum, « Cannabis, Coca, & Poppy: Nature’s Addictive Plants », https://www.deamuseum.org/ccp/ cannabis/history.html.
  3. Michael J. Brownstein, « Review: A Brief History of Opiates, Opioid Peptides, and Opioid Receptors », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 90.12, 15 juin 1993, 5 393-5 393, http://www.pnas.org/content/90/12/5391.short. doi.org/10.1073/pnas.90.12.5391.
  4. Nathan Nunn et Nancy Qian, « The Columbian Exchange: A History of Disease, Food, and Ideas », Journal of Economic Perspectives, 24.2, printemps 2010, p. 163-188, doi. 10.1257/jep.24.2.163.
  5. J. Maud Kordylas, « Biotechnology for Production of Fruits, Wines, and Alcohol », Applications of Biotechnology to Fermented Foods: Report of an Ad Hoc Panel of the Board on Science and Technology for International Development, chapitre 25. Produit par The National Research Council (US) Panel on the Applications of Biotechnology to Traditional Fermented Foods, Washington, D.C., National Academies Press, 1992, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/ books/NBK234683.
  6. Mahmoud A. ElSohly et coll., « Changes in Cannabis Potency Over the Last Two Decades (1995-2014)―Analysis of Current Data in the United States », Biol. Psychiatry, 79.7, 1er avril 2016, p. 613-619, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4987131.
  7. Nico Escondito, « The Strongest Strains on Earth 2017 », High Times, 26 avril 2017, https://hightimes.com/grow/the-strongest-strains-on-earth-2017.
  8. National Institute on Drug Abuse, ci-après NIDA, « What Is Cocaine? », mis à jour en mai 2016, https://www.drugabuse.gov/publications/research-reports/cocaine/what-cocaine.
  9. American Society of Addiction Medicine, « Public Policy Statement: Definition of Addiction », adopté le 12 avril 2011, https://asam.org/resources/definition-of-addiction.
  10. Ibid.
  11. Organisation mondiale de la santé, « Substance Abuse », non daté, http://www.who.int/topics/substance_abuse/en.
  12. National Institute on Drug Abuse, « [U.S.] Overdose Death Rates », révisé en septembre 2017, https://www.drugabuse.gov/related-topics/trends-statistics/overdose-death-rates.
  13. Centers for Disease Control and Prevention, « Fact Sheets— Alcohol Use and Your Health », mis à jour le 3 janvier 2018, https://www.cdc.gov/alcohol/fact-sheets/alcohol-use.htm.
  14. D. D. Chitwood et coll., « HIV Seropositivity of Needles From Shooting Galleries in South Florida », American Journal of Public Health, 80.2, février 1990, p. 150-152.
  15. NIDA, « Health Consequences of Drug Misuse: Neurological Effects », mis à jour en mars 2017, https://www.drugabuse.gov/publications/health-consequences-drug-misuse/neurological-effects.
  16. Angela M. Wood, et coll., « Risk Thresholds for Alcohol Consumption: Combined Analysis of Individual-Participant Data for 599,912 Current Drinkers in 83 Prospective Studies », The Lancet, 391.10129, 14 avril 2018, p. 1 513-1 523, http://www.thelancet.com. Voir aussi Peter N. Landless and David R. Williams, « Alcohol and Health: Sorting Through the Myths, the Dangers, and the Facts », The Journal of Adventist Education, 76.2, décembre 2013/janvier 2014, p. 25-32, http://circle.adventist.org/files/jae/en/jae201376022508.pdf.
  17. NIDA, « The Science of Drug Abuse and Addiction: The Basics », mis à jour en octobre 2016, https://www.drugabuse.gov/publications/media-guide/science-drug-abuse-addiction-basics.
  18. Yvonne Terry-McElrath, et coll., « Longitudinal patterns of Marijuana Use Across Ages 18–50 in a US National Sample: A Descriptive Examination of Predictors and Health Correlates Of Repeated Measures Latent Class Membership », Drug and Alcohol Dependence, 171, 1er février 2017, p. 70-83, https://www.drugandalcoholdependence.com/article/S0376-8716(16)31033-X/abstract.
  19. D. J. Nutt, L. A. King, et L. D. Phillips, « Drug Harms in the UK: a Multi-criteria Decision Analysis », Lancet, 376.9752, 6 novembre 2010, p. 1 558-1 565. Doi, 10.1016/S0140-6736(10)61462-6.
  20. Addiction.com Staff, « Alcohol Abuse Linked to Higher Divorce Rate », 19 juin 2014, https://www.addiction.com/3003/will-alcohol-abuse-lead-divorce.
  21. National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism, « NIAAA Strategic Plan 2017-2021 », https://www.niaaa.nih.gov/strategic-plan/prevention.
  22. National Institute on Drug Abuse, « Preventing Drug Use Among Children and Adolescents (In Brief), mis à jour en octobre 2003, https://www.drugabuse.gov/publications/preventing-drug-abuse-among-children-adolescents-in-brief/prevention-principles.
  23. Brianna Johnson et coll., « An Examination of Parent-Child Relationships and Teen Substance Use: A Brief Report », Journal of Child and Adolescent Substance Abuse, 23.4, 21 mai 2014, p. 210-216, doi.org/10.1080/1067828X.2013.786926 ; The National Center on Addiction and Substance Abuse at Columbia University, « The Importance of Family Dinners VIII », A CASA ColumbiaTM White Paper, septembre 2012, https://www.centeronaddiction.org/ addiction-research/reports/importance-of-family-dinners-2012. Gary L. Hopkins et coll., « Developing Healthy Kids in Healthy Communities: Eight Evidence-based Strategies for Preventing High-risk Behaviours , The Medical Journal of Australia, 186.10, 21 mai 2007, p. S70-S73.
  24. Gary L. Hopkins et coll., « Decades of Research Shows Adolescents Do Better With Community Service Rather Than Incarceration », The Advocate (publication officielle du barreau de l’État de l’Idaho, 57.6/7, juin/juillet 2014, p. 56-61.
  25. Safety Net Recovery, « The Benefits of Community Service During Addiction Recovery », 2 août 2016, https://www.safetynetrecovery.com/the-benefits-of-community-service-during- addiction-recovery.
  26. René D. Drumm et coll., « Protective Effects of Religion: Drug Use, HIV Risk, and Violence: Research in Support of Current Health Policy Initiatives », Journal of Addictions Nursing, 13.2, 2001, p. 83-93, doi.10.3109/10884600109062521 ; Laurence Michalak, Karen Trocki, et Jason Brand, « Religion and Alcohol in the U.S. National Alcohol Survey: How Important Is Religion for Abstention and Drinking? », Drug and Alcohol Dependence, 87.2/3, 2007, p. 268-280, doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2006.07.013 ; John M. Wallace et coll., « The Influence of Race and Religion on Abstinence From Alcohol, Cigarettes, and Marijuana Among Adolescents », Journal of Studies on Alcohol, 64.6, 2003, p. 843- 848, doi.org/10.15288/jsa.2003.64.843.
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